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1867, ils se mirent en grève, et les patrons décidèrent un lock-out qui mit cinq mille ouvriers sur le pavé. Trois de leurs délégués allèrent à Londres réclamer l’appui de l’Internationale. Ils n’obtinrent qu’un assez maigre secours. Mais les maîtres, croyant que l’argent affluait, finirent par céder. Cette victoire valut à l’association un grand nombre d’adhésions dans toute la France. En Angleterre, elle recruta des adhérens par d’autres mesures. Dans certaines industries, les maîtres, menacés par les grèves, avaient fait venir des ouvriers de Belgique et d’Allemagne. Aussitôt l’Internationale se mit à l’œuvre. Elle parvint à empêcher le départ des nouvelles recrues. Quant à ceux qui étaient déjà employés, elle les décida à rentrer dans leur pays. Elle paya même leur retour en y ajoutant une gratification. Tout un convoi d’Allemands, avertis au moment où ils descendaient du bateau, s’en retourna par la première occasion. Les trade-unions, qui jusque-là s’étaient tenues exclusivement sur le terrain anglais, comprirent alors le but de l’Internationale et un certain nombre d’entre elles adhérèrent à leur tour. Le recrutement reprit en Allemagne, où il avait été arrêté l’année précédente par la guerre entre l’Autriche et la Prusse. Il fut considérable aussi en Suisse, surtout dans les cantons français. De nombreux journaux socialistes se mirent au service de l’Internationale : en France la Fourmi, l’Association, le Congrès ouvrier, la Mutualité; en Allemagne le Sozial-Democrat et le Deutsche Arbeiter-Zeitung de Berlin, le Nordstern de Hambourg, le Correspondent de Leipzig; à Londres le Workman’s Advocate, rédigé par Eccarius, et the International Courier, écrit en anglais et en français; en Belgique la Tribune du peuple. L’Internationale trouva aussi des organes en Italie, en Espagne et en Amérique.

Le second congrès tint ses séances à Lausanne du 2 au 8 septembre 1869. Le conseil général rendit compte de ses travaux et se vanta entre autres d’avoir dépensé 1 million 1/2 de francs en Amérique pour y soutenir des grèves. Les idées radicales commencèrent à élever la voix; cependant elles ne l’emportèrent pas encore. On ne vota ni la suppression de l’hérédité, ni la propriété collective, mais seulement la reprise des chemins de fer par l’état, « afin d’anéantir le monopole des grandes compagnies, qui, en soumettant la classe ouvrière à leurs lois arbitraires, attaquent à la fois et la dignité de l’homme et la liberté individuelle. » Sauf cet étrange considérant, qu’on dirait rédigé par un machiniste renvoyé, cette motion n’a rien de bien subversif, puisque les gouvernemens s’efforcent à l’envi de la mettre en pratique. Le congrès n’admit même pas l’enseignement gratuit. Il décida que le premier devoir des parens étant d’instruire leurs enfans, l’état ne doit payer pour eux que quand ils ne peuvent le faire eux-mêmes. L’économiste le plus