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GRANDEUR ET DÉCADENCE
DE
L’INTERNATIONALE

On parle souvent de l’Internationale, et généralement on ne connaît ni sa constitution ni son histoire. On croit voir la main de cette société redoutable dans tous les actes de violence du socialisme : grèves, révoltes, incendies de nos cités, comme à Paris, bombes comme à Florence et à Pise, tentatives de régicide comme à Berlin, Naples, Madrid ou Saint-Pétersbourg. C’est le spectre rouge partout présent et partout menaçant, et minant sourdement la société sous nos pas. L’internationale n’a cependant jamais été une société secrète. Elle a eu son siège connu. Ses proclamations sont signées, publiées, et en somme elle est la forme à laquelle devait logiquement aboutir le mouvement socialiste contemporain. Tout de nos jours ne devient-il pas international? N’avons-nous pas les expositions internationales, les banques de crédit international, les tarifs internationaux pour les postes, les télégraphes et les chemins de fer, les traités internationaux pour les extraditions, pour le droit commercial, pour certains usages de la guerre, pour les monnaies, et des sociétés financières internationales sans nombre? Ce fait est la conséquence matérielle du grand travail d’assimilation qui s’accomplit dans le monde entier. Les peuples deviennent de plus en plus semblables, et leurs relations de plus en plus intimes. Les mêmes problèmes économiques et religieux, les mêmes crises commerciales et industrielles, les mêmes hostilités de classes, les mêmes luttes entre capitalistes et ouvriers se rencontrent dans tous les pays civilisés, qu’ils soient constitués en république ou en monarchie. La solidarité entre les peuples n’est plus un vain mot. Elle est si réelle, surtout dans l’ordre économique, qu’un fait purement local se répercute, de conséquences en conséquences, dans les deux hémisphères.