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IV.

Que fera le parti de la république libérale pendant tout le temps qui nous sépare des élections générales? Quelle sera son attitude, et quel sera le caractère de son opposition? Quelle sera sa conduite à l’égard des partis qu’il doit rencontrer, soit dans le parlement, soit sur le terrain de la lutte électorale? C’est ce qu’il importe de bien expliquer pour qu’aucune équivoque ne laisse prise aux défiances des amis et aux calomnies des adversaires. Le plus sérieux reproche adressé aux dissidens, c’est que la politique contre laquelle ils protestent n’est pas seulement la politique d’un parti, mais du pays lui-même, du pays tout entier. On leur laisse le droit de protester philosophiquement en faveur de tels ou tels principes de justice et de liberté; on leur refuse le droit de faire opposition à ce qu’on appelle la volonté nationale. « Quelle prétention est la vôtre ! dit-on aux dissidens. Est-ce que le suffrage universel n’est pas notre souverain et notre juge à tous? Est-ce qu’il n’a pas déjà prononcé son arrêt sur la politique pratiquée par le parti auquel il a donné la majorité? S’il entend que l’enseignement libre soit interdit aux congrégations non autorisées, que toute congrégation soit exclue de l’école primaire communale, que l’inamovibilité de la magistrature soit suspendue ou supprimée, qu’avez-vous à faire sinon à vous incliner devant son jugement, vous, les mandataires comme nous du seul et véritable souverain, sauf à dire en vous-mêmes comme Galilée : « Et pourtant le droit est pour nous? » La politique n’est pas la philosophie. Elle ne compte pas seulement avec la raison ; elle compte surtout avec la volonté du pays. »

Il faut bien convenir que la politique n’est pas la philosophie, qu’elle n’est pas même la pure morale, qu’elle doit être avant tout la politique du pays, si elle prétend à l’honneur de le gouverner. Mais encore faudrait-il être bien sûr de ce que veut réellement le pays. Il veut notre politique, dira-t-on, puisqu’il nous a élus. Ici est l’illusion. Dans toutes les élections qui se sont faites depuis quelques années, le pays n’a eu qu’une pensée, qu’une volonté : c’est de nommer des républicains, comme républicains. On ne lui a pas posé d’autre question. Sauf dans quelques localités, les candidats républicains se sont bien gardés de parler de politique conservatrice et de politique radicale. On a bien mis en avant l’épithète de clérical ; mais c’était un mot vague qui veut tout dire : pour les électeurs jacobins l’article 7, pour les électeurs libéraux une protestation très légitime en faveur des droits de l’état, que le clergé a appris à ne plus contester. Nulle part, il n’a été question d’un programme tel que celui qu’on pratique aujourd’hui. On n’a donc