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afficher publiquement leur croyance; sous le règne ombrageux de l’empereur Nicolas, elles durent même redoubler de précaution et de mystère ; et la perspective de pouvoir désormais professer librement un culte pratiqué jusque-là en secret et avec terreur, ne fut pas pour Olga Galaïef un des côtés les moins sourians de son union avec le prince romain.

Établie splendidement, vers la fin de 1845, dans cet antique palais Canterani, sur la piazza di santi Martiri, que les Guides de Murray et de Baedeker recommandent par un astérisque à l’attention spéciale du visiteur de la cité éternelle, la princesse Olga reçut de la société romaine l’accueil chaleureux que méritaient sa beauté, sa grâce, et ses antécédens religieux; et son salon devint de bonne heure le centre important des zelanti. Le cardinal Lambruschini avait, dès les premiers jours, surnommé la jeune princesse une mère de l’église: il y avait dans ce mot autant de perspicacité pour le moins que de malice. Avec l’impétuosité et le manque d’équilibre propres aux imaginations slaves, la noble Moscovite, aussitôt qu’elle eut touché le sol sacré de Rome, s’était éprise, en effet, pour les questions de la foi, d’une ardeur profonde, absorbante. Les événemens considérables qui suivirent bientôt, les péripéties émouvantes des quatre ou cinq premières années du pontificat de Pie IX, ne pouvaient qu’accroître ce zèle et l’enflammer au plus haut degré. Il faut rendre cette justice à la princesse Canterani qu’elle ne portait qu’un médiocre intérêt au côté politique de l’œuvre de restauration dont le retour de Gaëte avait donné le signal : les intrigues diplomatiques, les luttes d’influence des diverses cours auprès du saint-siège, et tout le travail réparateur que concentrait entre ses mains habiles le cardinal secrétaire d’état, la laissèrent presque indifférente. Ce qui avait surtout le don de la préoccuper, de l’exalter outre mesure, c’était le grand mouvement théologique qui commençait alors à se dessiner à l’entour et au cœur même du Vatican, et qui poussait avec une résolution contenue, mais ferme, à la proclamation de certains dogmes, au remplacement des liturgies locales par l’uniforme liturgie romaine, au rétablissement de l’ancienne hiérarchie catholique dans les pays protestans, et autres entreprises du même genre. Peu à peu le palais de la piazza di santi Martiri fut complètement déserté par l’élément mondain et laïque, et on n’y vit plus que des cardinaux, des monsignori, des chefs de communautés, des légats et des ablégats, des protonotaires et des missionnaires apostoliques. Mgr H..., l’illustre descendant d’une famille anglaise célèbre depuis des siècles par l’ardeur de son catholicisme, définissait plaisamment