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lourdes et encombrantes, il exporte quelques produits légers. Qui de nous n’a été frappé, en approchant de Paris, de voir ces immenses trains de wagons vides qui retournent à la houillère, ou qui vont chercher des bestiaux? Combien sera minime pour la compagnie le prix de revient d’une matière qu’on jettera en passant dans un de ces wagons vides, pour constituer ce qu’on appelle un transport de retour ?

Il faut nous borner, car on écrirait un livre si on énumérait toutes les causes qui interviennent dans la détermination du prix de revient. Il nous reste seulement à traiter cette question au point de vue du péage.

Pour chaque cas particulier, il est tout aussi difficile de trouver le prix de revient du péage. Cependant, ce prix est influencé par moins d’élémens que le prix de revient du transport, et on peut dire qu’il n’y en a que deux qui aient une action capitale; c’est le prix de premier établissement de la ligne, et le tonnage total auquel elle donne passage. Or, ces deux élémens sont connus.

On sait, en effet, quel est le prix de revient de premier établissement de la ligne, et on en déduit quelle charge annuelle représentent l’intérêt et l’amortissement de ce capital; on connaît, d’autre part, le tonnage qui passe sur la ligne; en divisant l’un par l’autre, on a le prix de revient du péage. Par exemple, la ligne de Bordeaux à Angoulême a coûté 400,000 francs le kilomètre, soit à 6 pour 100, 24,000 francs de charge annuelle. Elle donne passage à 900,000 tonnes; le prix de revient du péage est le quotient de 24,000 divisé par 900,000, soit 0 fr. 02 et demi. Il est bien entendu que ceci est le péage moyen pour l’ensemble des marchandises circulant sur la section de Bordeaux à Angoulême.

La ligne de Coutras à La Roche-sur-Yon, réseau de l’état, a certainement coûté plus de 200,000 francs par kilomètre, soit un revenu annuel de 12,000 francs. Son tonnage moyen est de 75,000 tonnes; le prix de revient du péage est donc le quotient de 12,000 par 75,000, soit 0 fr. 16, c’est-à-dire six fois plus que dans le premier cas. On voit immédiatement l’influence capitale du tonnage. Les prix de premier établissement varient peu sur les lignes françaises. Les plus grands écarts sont environ du simple au double; mais les tonnages varient considérablement depuis le chemin de Lyon à la Méditerranée, qui donne passage à 2 millions et demi de tonnes, jusqu’à la ligne de Tours à Bressuire, qui n’en transporte que 32,0 00. On conçoit quels écarts en résultent pour le prix de revient. On aurait donc le droit de dire, si on ne tenait compte que du péage, qu’en transportant à 0 fr. 03 la compagnie d’Orléans réalise un bénéfice, tandis que le chemin de l’état subit une perte en effectuant le transport à 0 fr. 15.