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LE
COMTE DE MONTLOSIER
PENDANT L’EMPIRE ET LES PREMIÈRES ANNÉES DE LA RESTAURATION
D’APRES DES DOCUMENS INEDITS[1].

Les premières années du règne de Louis XVIII furent une grande école politique, et les annales du parlement d’Angleterre n’ont pas de pages plus glorieuses que celles des sessions des chambres françaises de 1817 à 1821.

Jamais les problèmes que la révolution avait résolus en principe ne se posèrent plus nettement dans les faits, jamais on ne vit mieux combien les idées et les intérêts étaient irrévocablement unis. Contester les uns, c’était pour la majorité de la nation ébranler les autres, tant leur solidarité était étroite. Parlait-on, par exemple, d’ôter aux maires et de rendre au clergé la tenue des registres de l’état civil, aussitôt les acquéreurs de biens nationaux s’alarmaient. L’ignorance des résultats définitifs de notre révolution, chez certains descendans des classes nobles, égalait l’ardeur de la défense et de la suspicion chez les plébéiens. Si les premiers en étaient encore à ne voir dans les événemens accomplis qu’une révolte éternellement illégitime, la masse de la nation au contraire était unanimement convaincue que jamais bouleversement social ne s’était opéré par des doctrines qui renfermassent autant de vérités.

Ce n’étaient pas seulement les intérêts et les idées qui s’entrechoquaient, c’étaient aussi les vanités. L’ancienne société ou plutôt ceux qui lui survivaient reprenaient leurs dédains et leurs frivolités. La société nouvelle, se sentant inquiète de ses destinées,

  1. Voir la Revue du 15 décembre 1874 et du 1er mai 1879.