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essentielle du succès des Latins en Orient. Du Bois, Raymond Lulle, ne cessaient d’insister sur cette idée, qui n’était que l’expression du bon sens même. Le concile ordonna qu’à Rome et dans les universités de Paris, d’Oxford, de Bologne et de Salamanque on établirait des chaires pour enseigner les trois langues, l’hébreu, l’arabe et le chaldéen (c’est-à-dire le syriaque). Pour chacune de ces langues, il devait y avoir deux maîtres qui seraient stipendiés en cour de Rome par le pape, à Paris par le roi de France, et dans les trois autres villes par les prélats, les monastères et les chapitres du pays. Malheureusement, si l’on excepte les faibles essais de Jean XXII pour réaliser ce projet à Bologne, il ne semble pas que le sage décret du concile ait reçu un commencement d’exécution.

Les templiers n’avaient presque plus de défenseurs. Tous les membres qui avaient eu assez d’audace pour garder une tenue ferme ou assez peu d’attachement à leur ordre pour ne pas le défendre contre la calomnie étaient sains et saufs. Les naïfs étaient morts dans les supplices ou devaient y mourir. Le concile n’eut plus qu’à prononcer la suppression de l’ordre, ou plutôt il la fit prononcer par le pape; car le manque de courage et de sincérité était devenu tel que personne ne voulait plus avoir la responsabilité de ses actes. Le pape lui-même déclarait, dans sa bulle, qu’il supprimait l’ordre du Temple par provision, par voie de règlement apostolique et non par voie de condamnation, de justice, de sentence définitive, attendu que le procès n’avait pas été conduit selon les règles du droit. Mais il ajoutait que cette suppression était irrévocable. Les parts des biens de l’ordre étaient faites. La part du roi n’était pas tout ce qu’il aurait voulu. Il obtint cependant des sommes considérables pour les frais de procédure et pour avoir gardé les templiers en prison.

Quant au procès contre la mémoire de Boniface, il n’en fut question que pour la forme. Ce scandaleux épouvantail n’était plus nécessaire au roi pour arriver à ses fins. Il triomphait sans contestation. Non seulement le pape avait déclaré, à la face de la chrétienté, qu’en faisant arrêter Boniface Philippe avait obéi au zèle le plus pur de la foi ; mais tous les actes qui auraient pu blesser le roi étaient effacés sur les registres du Vatican ; la bulle Clericis laïcos avait été supprimée avec toutes ses conséquences; l’ordre que le roi détestait et où il avait trouvé le plus d’opposition à ses vues était aboli; les auteurs et complices de l’attentat d’Anagni, surtout le sacrilège Nogaret, étaient absous d’une façon qui équivalait à une victoire. Pour compléter ces faveurs selon les idées du temps. Clément accomplit, le 5 mai 1313, une promesse qu’il avait faite au roi, à Lyon, lors de son couronnement: c’était la canonisation