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découvrir un germe de réaction contre des prétentions qui allaient souvent jusqu’à l’insolence. La qualité infime des ambassadeurs que le roi aimait à employer rendait cette insolence plus pénible encore. Clément réclame et veut dans les affaires importantes des ambassadeurs de qualité.

Les négociations pour l’entrevue projetée remplissent le printemps de 1307. Philippe proposait Tours ou Poitiers, et comme époque le milieu d’avril ou le 1er mai. Les cardinaux qui entouraient le pape préféraient Toulouse. Clément insiste par des raisons de santé; on lui a dit que le climat de Tours est malsain ; les traitemens qu’il est obligé de suivre ne lui laissent pas la liberté de faire ce qu’il voudrait. Poitiers finit par l’emporter ; le pape y donna rendez-vous au roi, et en effet l’entrevue eut lieu dans cette ville vers la Pentecôte de 1307.

Ce furent en quelque sorte les états-généraux de l’Europe latine. Le roi était au comble de ses vœux. Entouré de princes, de rois, de ducs souverains, il présidait les assises de l’église et jouait le rôle de chef de la chrétienté. Toute l’Europe gravita durant quelque temps autour de Poitiers. Le but suprême de la politique ecclésiastique des Capétiens semblait atteint; le triomphe de la maison de France était éclatant sur tous les points. L’idée dominante des conseillers de Philippe, qui était, d’une part, de restreindre l’autorité ecclésiastique, de l’autre, de l’exagérer pour la mettre au service du roi et pour substituer l’excommunication papale aux mesures militaires qu’ils avaient en aversion, se trouva un jour pleinement réalisée.

Ce qu’il y avait de bienfaisant dans l’institution d’un pouvoir central, servant d’arbitre dans les différends politiques de l’Europe, se vit encore en cette circonstance, quelle que fût la décadence de ce pouvoir. Clément, à Poitiers, fit cesser les luttes ardentes des comtes de Foix et des comtes d’Armagnac, régla les affaires pendantes entre la France et l’Angleterre, entre la France et la Flandre, termina pour un temps la question de la succession de Hongrie en faveur de Charobert. Sur tous les points, les intérêts de la maison de France furent la règle qui guida les jugemens du pontife. Charles de Valois fut destiné à occuper le trône de Constantinople, quand la croisade dont il devait être le chef aurait réussi. Charles le Boiteux, roi de Naples, retenait d’avance sa part de la conquête future et se voyait, en attendant, comblé de bienfaits. La nomination d’une commission pour la canonisation de saint Louis de Toulouse, fils de Charles le Boiteux, ne fut pas considérée comme une moindre faveur. C’était par la sainteté plus encore que par les armes que croissait « cette male plante qui couvroit toute la terre