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définitive des Gaules, ne comprend que des colonnes cylindriques, assez grossières et qui ne portent aucune inscription. Les quatre séries suivantes, au contraire, placées après la chute de la république, sont d’une taille plus soignée ; elles portent des inscriptions qui rappellent les dignités des empereurs Auguste, Tibère, Claude et Antonin, et un numéro d’ordre qui a permis aux archéologues de contrôler les chiffres donnés par les itinéraires officiels de l’empire au moyen de ceux que l’on a trouvés plus récemment sur les vases Apollinaires. Plusieurs mêmes, sont encore en place sur le sol antique et ont pu servir à la vérification exacte de l’ancien mille romain, auquel on accorde généralement une longueur de 1,481m, 50.

Mais cette route elle-même remonte bien au-delà des Romains ; et il est incontestable qu’avant d’avoir été réparée par les légions de la république et de l’empire, elle était en assez bon état d’entretien au nie siècle avant notre ère et avait été suivie presque d’un bout à l’autre par l’armée d’Annibal, dont l’itinéraire entre les Pyrénées et les Alpes nous est aujourd’hui très bien connu. Il est donc à peu près certain que les peuplades du littoral de la Gaule gréco-barbare avaient ébauché sur ce même tracé un chemin primitif, et que c’est sur ce frayé rudimentaire qu’on a bâti plus tard cette magnifique fondation en blocages qu’on appelait le statumen, et qui constituait le sous-sol de la grande route romaine d’Espagne en Italie.

L’occupation grecque et phénicienne de la côte gauloise, qui remonte à six ou sept siècles avant Jésus-Christ, ne s’est pas bornée d’ailleurs à la fondation de quelques comptoirs échelonnés le long de la mer. Un grand nombre de villes de la zone littorale, situées assez loin du rivage et dans la vallée du Rhône, ont été sinon conquises, du moins agrandies, habitées et enrichies par les émigrans de l’Ionie, au lendemain même de la fondation de Marseille. D’autre part, la présence des Phéniciens dans ces mêmes villes est au moins contemporaine de l’occupation grecque, si elle ne lui est pas quelque peu antérieure ; et des découvertes archéologiques récentes ont démontré l’existence d’une ancienne voie littorale phénicienne, qui reliait toutes les colonies établies sur le littoral de la Celto-Ligurie.

Cette route, de proportions grandioses, existait, d’après le témoignage de Polybe, à l’époque de la deuxième guerre, punique ; ou, l’appelait encore la voie Héracléenne, via Heraclea ou Herculea ; et elle desservait tous les comptoirs phéniciens dont quelques-uns ont conservé aussi ce nom générique de villes Héracléennes, en souvenir d’Hercule, leur légendaire fondateur. Telle était entre autres l’Heraclea bâtie dans l’estuaire du Rhône, berceau de la ville et du port de Saint-Gilles, que l’exhaussement du fond de la lagune, les