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baptisés, chair de pendus, et autres horribles charognes, et des eaux puantes, pots de graisses et de poisons, qui se prêtent et se débitent à cette foire, comme étant la plus précieuse marchandise qui s’y trouve. Avec des chansons d’une composition si brutale et en termes et mots si licencieux et lubriques que les yeux se troublent, les oreilles s’étourdissent, et l’entendement s’enchante de voir tant de choses monstrueuses et qui s’y rencontrent à la fois. Le diable s’y représente parfois en bouc, puant et barbu, quelquefois en tronc d’arbre épouvantable, et il y paroît écartelé et comme estropiat et sans bras. Que s’il y paraît en homme, c’est un homme géhenne, tourmenté, rouge et flamboyant comme un feu qui sort d’une fournaise ardente, homme effacé duquel la forme ne paroît qu’à demi, avec une voix cave, morfondue et non articulée, mais impérieuse, brûlante et effroyable ; enfin on y voit en chaque chose tant d’abominables objets, tant de forfaits et crimes exécrables que l’air s’infecteroit, si je les voulois exprimer plus au long, et peut-on dire sans mentir que Satan même a quelque horreur de les commettre et il tient les enfans éloignés, de peur de les rebuter pour jamais par l’horrible vue de tant de choses. »

Toute cette fantasmagorie disparaît au chant du coq, sentinelle qui découvre les mauvais desseins de l’ennemi du genre humain. Voici les vers que de Lancre a faits sur ce sujet, mêlant, comme on voit, le grave au doux et l’agréable à l’utile.

Les démons courans qui se mirent
Dans les ténèbres de la nuit,
Quand du coq ils oyent le bruit,
Tout épouvantés se retirent.
C’est l’approche qui les tourmente,
Du jour, du salut, et de Dieu,
Qui fait abandonner le lieu
Aux sergens de la noire tente.
Dieu montra du coq la puissance
A saint Pierre, lui prononçant
Qu’au troisième cri de son chant
Il nieroit sa connoissance.
De là nous croyons que c’est l’heure
Que Jésus revint des bas lieux,
Quand le coq chantant si joyeux
De sa venue nous asseure.


Pour frapper de terreur Satan et ses complices, les commissaires. royaux dressent l’échafaud sur la place même où Satan tenait le sabbat. Chaque fois qu’on menait une sorcière au supplice, elle était accompagnée de toute sa famille, « de sorte qu’étant perchée