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sévir parmi toute la population. De Lancre nous fait, des Basques, une description qui ne laisse pas que d’être intéressante. « Le Labourd, dit-il, est une côte de mer qui rend les gens rustiques, rudes et mal policés, desquels l’esprit volage est attaché à des cordages et banderolles mouvantes comme le vent, qui n’ont autres champs que les montagnes et la mer, autres vivres et grains que du millet et du poisson, ne les mangent sans autre couvert que celui du ciel, ni sur autres nappes que leurs voiles. Bref, leur contrée est si infertile qu’ils sont contraints de se jeter dans cet élément inquiet, logeant toute leur fortune sur les flots qui les agitent nuit et jour, qui fait que leur commerce, leur conversation et leur foi est du tout maritime. Toujours hâtés et précipités, ils se jettent presque tous à cet inconstant exercice de la mer, et méprisent le constant labeur et culture de la terre. Et bien que nature ait donné à tout le monde la terre pour nourrice, ils aiment mieux, légers et volages qu’ils sont, la mer orageuse que cette douce et paisible déesse Cérès. »

Si quelque part il y a eu un sabbat, et nous savons que la chose est fort douteuse, c’est assurément dans le Labourd, en 1609. Pour peu que l’on ne soit pas bien convaincu que les hystériques savent mentir impudemment, délirer en conservant toutes les apparences de la raison, pour peu que l’on oublie que l’hallucination d’un fou lui paraît une vérité incontestable, on s’imaginerait que le sabbat a réellement existé, tant sont précises les descriptions qu’en donnent les sorcières. « Le sabbat est comme une foire de marchands mêlés, furieux et transportés, qui arrivent de toutes parts, une rencontre et mélange de cent mille sujets d’une nouveauté effroyable, qui offense l’œil et soulève le cœur. Il s’en voit de réels et d’autres prestigieux ; aucuns plaisans, mais fort peu, comme sont les clochettes et instrumens mélodieux qu’on y entend, qui ne chatouillent que l’oreille, et ne touchent rien au cœur. Les courriers ordinaires du sabbat sont les femmes : elles volent et courent, échevelées comme furies, ayant la tête si légère qu’elles n’y peuvent souffrir couverture. On les y voit nues, ores graissées, ores non : elles arrivent ou partent perchées sur un balai, ou portées sur un banc, un pauvre enfant ou deux en croupe. Et lorsque Satan les veut, transporter en l’air, ce qui n’est encore donné qu’aux plus suffisantes, il les élance comme fusées bruyantes, et, en la descente, elles fondent bas cent fois plus vite qu’un aigle ou un milan ne sauroit fondre sur sa proie. Les enfans sont les bergers qui gardent chacun la bergerie des crapauds, que chaque sorcière qui les mène au sabbat leur a donné à garder. On y voit encore de grandes chaudières pleines de crapauds et vipères, cœurs d’enfants non