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Au roi il conseille de maintenir le tradition des assemblées nationales ; il invite les sujets à réprimer l’humeur ambitieuse et mécontente qui, agitant toutes les classes, met le royaume en confusion. Il oppose au débordement du fanatisme sa belle conception de l’état laïque, indépendant des religions, impartial entre les croyances, et cette distinction, si neuve alors et si hardie, du chrétien et du citoyen. « Il ne s’agit pas de régler la foy, mais de régler l’estat ; plusieurs peuvent estre citoyens, qui ne sont pas chrétiens ; mesme l’excommunié ne laisse pas d’estre citoyen. » Tout l’esprit de nos modernes constitutions est là. Que faut-il pour que les religions diverses vivent en paix ? Il faut qu’elles obéissent à la loi du prince et se tolèrent réciproquement. « Ne voyons-nous pas des familles dont les membres catholiques aiment ceux de la religion nouvelle ? Comme citoyens d’un mesme pays, nous formons une seule et vaste famille. »

De telles paroles suffisent à la gloire des états de 1560. Cette assemblée entendit d’autres discours ; mais ils sont écrits dans l’ancien goût et ne nous offrent ni des traits bien saillans, ni des pensées neuves et fortes, ni des informations dignes d’être recueillies. Même observation sur les états de 1576 et sur ceux de 1588, si intéressans, d’ailleurs, par la gravité des circonstances et par le déchaînement des passions ; aucun orateur ne s’y produit qu’on puisse comparer à L’Hôpital ou au seigneur de La Roche. C’est tout au plus si de ce fond de banalités oratoires sortent et se détachent deux harangues qui méritent quelque attention : l’une, datée de 1576, est du roi Henri III ; l’autre, prononcée en 1588, est d’un orateur du tiers-ordre, Etienne Bernard, député de Dijon.

Lorsque, le 6 décembre 1576, Henri III ouvrit en personne les premiers états de Blois, avec une magnificence dont témoignent de nombreuses descriptions, ce prince, qui devait tomber si bas dans le mépris de ses sujets, ne s’était pas encore déshonoré par l’hypocrisie sanglante et débauchée de la fin de son règne. Sa jeunesse, sa bonne grâce, le souvenir récent de ses faits d’armes, les espérances qu’il n’avait pas eu le temps de démentir, soutenaient chez lui le prestige royal. Aussi, en l’entendant prononcer d’une voix ferme et vibrante, avec un accent de sincère émotion, le discours aisé, naturel, élégant et pathétique, qu’il avait Composé lui-même et qui était l’image de son esprit séduisant, l’assemblée ne put retenir un cri de surprise et d’admiration ; elle se leva dans un transport naïvement constaté par les Mémoires du temps ; un orateur venait de se révéler sur le trône de France. Énumérant les souffrances du peuple, les dangers de l’état, le roi déclarait qu’il aimerait mieux perdre la vie à la fleur de son âge, que de rester spectateur impuissant de la désolation du royaume ; il suppliait les