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Cicéron, » Sous l’impression du discours que nous venons de citer ». les états décidèrent que dix députés seraient adjoints au conseil de régence provisoirement institué par les princes du sang ; le seigneur de La Roche fut l’un des dix. Né en 1428, il mourut en 149A, gouverneur de Bourgogne.

Peu de jours après l’éclatant succès de Philippe Pot, un vote unanime des six bureaux de l’assemblée chargea Masselin d’exprimer en séance publique l’opinion des états sur le dégrèvement de l’impôt permanent. Le député de Rouen prit trois fois la parole. Ses discours n’ont pas la sève et le montant de l’éloquence bourguignonne du seigneur de La Roche : nets, coulans, judicieux, ils sont un peu trop chargés de citations de l’Écriture ; l’homme d’église s’y reconnaît sous le financier. Deux qualités les distinguent : un sentiment vif des maux du peuple, une courageuse ardeur à combattre ces théoriciens du pouvoir absolu qui, certains de faire leur cour, disaient tout haut que les biens des sujets sont le domaine des rois. « Sire, chassez loin de vous ces détestables flatteurs, peste de vos états, corrupteurs de votre esprit et de votre âme ; n’en laissez pas un seul auprès de vous. Votre peuple est le véritable maître des biens qu’il possède ; on ne peut les lui enlever, en tout ou en partie, s’il n’y consent pas. Vivant sous une monarchie légitime, il est libre et non point esclave. Soyez le père et non le tyran de votre peuple. Épuisé par d’iniques impôts, il paie plus qu’il ne peut ; il tire de sa pauvreté et de sa souffrance jusqu’à son nécessaire pour vous le donner et vous le remettre. N’en croyez donc pas ceux qui vous disent que nous, ses mandataires, nous voulons vous rogner les ongles jusqu’au vif et vous compter les morceaux. » Cette éloquence modérée, interprète de fermes convictions, ne réussit pas moins que la véhémente parole de Philippe Pot : la taille fut réduite de cinq millions à quinze cent mille livres.

Beaucoup d’autres députés parlèrent avec verve sur les mêmes sujets ou sur des questions moins importantes ; les trois cents pages du journal se composent en majeure partie de l’analyse ou de la traduction de tous ces discours. Irritée de sa défaite, la minorité absolutiste s’emportait à des déclarations d’une singulière impudence. « Les sujets, disait-elle, sont-ils donc, aujourd’hui, devenus des maîtres ? Vous détruisez l’ancienne constitution et vous mettez à sa place une monarchie imaginaire. A quoi bon un roi, s’il ne peut réduire à l’obéissance les mécontens ? Nous connaissons le caractère des vilains. Si on ne les comprime pas, ils s’émancipent et deviennent insolens. La liberté n’est pas faite pour eux ; ils ne doivent connaître que la dépendance. La taille est le meilleur frein pour les contenir. » — « Étranges paroles, dit Masselin ; comment un cœur d’homme a-t-il pu concevoir et exprimer de telles pensées !