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d’une fois l’imprudence de ses manières, mais qu’il n’y avait au dedans d’elle que l’envie de s’amuser, qu’au reste elle avait fort bien remarqué que toute son importance venait alors de sa qualité de princesse de Bade, qu’elle ne se voyait plus traitée à la cour de France comme par le passé. En effet, l’empereur, qui n’avait plus le même penchant pour elle, avait changé tout le cérémonial à son égard. Ne songeant plus aux règlemens qu’il avait prescrits sur son rang lors de son mariage, négligeant de la traiter comme sa fille adoptive, il ne lui donnait plus que ce qu’on devait accorder à une princesse de la confédération du Rhin, ce qui la mettait assez loin après les reines et les princesses de la famille. Enfin, elle se voyait une occasion de trouble, et le jeune grand-duc, n’osant point exprimer son mécontentement, ne le manifestait que par une extrême tristesse. Notre conversation qui fut longue, et ses propres réflexions, la frappèrent beaucoup. Quand elle me congédia, elle m’embrassa en me disant : « Vous verrez que vous serez contente de moi. » En effet, le soir même, au bal, elle s’approcha de son mari, lui parla avec une manière affectueuse, et prit un maintien réservé qu’on remarqua. Dans cette soirée, elle vint à moi, et avec une bonne grâce infinie, elle me demanda si je la trouvais bien, et à dater de ce jour, jusqu’à la fin du voyage, on ne put pas faire la moindre maligne observation sur son compte. Elle ne témoigna aucun regret de retourner à Bade ; elle s’y est bien conduite ; elle a eu des enfans du prince, et a vécu parfaitement avec lui ; elle s’est fait aimer de ses sujets[1]. Aujourd’hui, la voilà veuve seulement avec deux filles, mais fort considérée de son beau-frère l’empereur de Russie, qui lui a témoigné à plusieurs reprises un grand intérêt. Quant à Jérôme, il alla peu après prendre possession de son royaume de Westphalie, où sa conduite a dû donner à la princesse Catherine plus d’une occasion de verser des larmes qui n’ont pourtant pas refroidi sa tendresse, puisque, depuis la révolution de 1814, elle n’a pas cessé de partager son exil[2].

Tandis qu’on se livrait au plaisir, et surtout à l’étiquette, dans le château de Fontainebleau, la pauvre reine de Hollande y vivait le plus à l’écart qu’elle pouvait. Extrêmement souffrante d’une grossesse pénible, toujours poursuivie du souvenir de son fils ; crachant le sang au moindre effort, inquiète de son avenir, découragée sur tout, elle ne demandait aux événemens que du repos. C’est alors qu’elle me disait, souvent avec les larmes aux yeux : « Je ne tiens

  1. Les allés de la princesse Stéphanie de Bade ont épousé, l’une le prince Gustave Vasa, fils du roi de Suède, l’autre le prince héréditaire de Hohenzollern-Sigmaringen. Elle-même est morte en 1860. (P. R. )
  2. La princesse Catherine, fille du roi de Wurtemberg, est morte à Lausanne le 28 novembre 1835. (P. R. )