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firent un armement considérable, et réunirent leurs forces pour bombarder Copenhague. Ils vinrent même à bout de prendre la ville. Le prince royal, fort de l’amour de ses peuples, se défendit vaillamment, et lutta, même après avoir perdu sa capitale. Les Anglais se virent forcés de l’évacuer, et de s’en tenir, là comme ailleurs, au blocus général. L’opposition en Angleterre éclata contre cette expédition. L’empereur, ignorant de la constitution anglaise, se flatta que les débats assez vifs du parlement lui seraient utiles. Peu accoutumé à l’opposition, il jugeait du danger de celle d’Angleterre d’après l’effet qu’elle eût produit en France, si elle s’y fût manifestée une fois, avec la même violence qu’il remarquait dans les journaux de Londres. Souvent il croyait le gouvernement anglais perdu, en repaissant son impatience des phrases animées du Morning-Chronicle. Mais son espoir se trouvait toujours déçu : l’opposition tonnait, les remontrances s’évaporaient en fumée, et le ministère emportait toujours des moyens de plus de continuer la lutte. Rien n’a plus causé de mouvemens de colère à l’empereur que ces débats du parlement, et les attaques violentes contre sa personne. que la liberté de la presse enfantait contre lui. En vain, il usait de cette liberté, pour payer à Londres des écrivains qui imprimaient aussi, très impunément, ce qu’il voulait ; ces combats de plume n’avançaient rien ; on répondait à ses injures par des injures qui arrivaient à Paris. Il fallait les traduire, les lui livrer ; on tremblait en les mettant sous ses yeux ; sa colère, soit qu’elle éclatât, soit qu’elle fût concentrée, paraissait également redoutable, et malheur à qui avait affaire à lui immédiatement après qu’il venait de lire les journaux anglais !

Nous nous apercevions toujours par quelque bourrasque de cette mauvaise humeur. C’est bien alors qu’il fallait plaindre ceux dont la mission était d’ordonner de ses amusemens. C’est alors que je puis bien dire que le supplice de M. de Rémusat commençait. J’en parlerai avec plus de détails en rendant compte de la vie qu’on mena à Fontainebleau.

Dès que les personnes comprises dans ce voyage y furent réunies, on les soumit toutes à une espèce de règlement qu’on leur fit connaître. Les différentes soirées de la semaine se devaient passer chez différens grands personnages. L’empereur devait recevoir un soir chez lui. On y entendrait de la musique, et on y jouerait après. Deux autres jours, il y aurait spectacle ; une autre fois, bal chez la grande-duchesse de Berg, un autre bal chez la princesse Borghèse ; enfin cercle et jeu chez l’impératrice. Les princes et les ministres devaient donner à dîner et inviter tour à tour les conviés au voyage ; le grand maréchal de même, ayant une table de vingt-cinq couverts tous les jours ; la dame d’honneur de même, et enfin à une dernière