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siècle, les progrès des saines idées, l’esprit de liberté, combattaient sourdement contre lui, et devaient renverser ce brillant échafaudage d’une autorité fondée en opposition avec la marche irrésistible de l’esprit humain. Le foyer de cette liberté existait en Angleterre. Le bonheur des nations a voulu qu’il se trouvât défendu par une barrière que les armes de Bonaparte n’ont pu franchir. Quelques lieues de mer ont partagé la civilisation du monde, et empêché que comprimée partout, elle se vît forcée d’abandonner pour longtemps le champ de bataille à qui ne l’eût jamais totalement vaincue, mais à qui l’eût étouffée peut-être pour la durée de toute une génération.

Le gouvernement anglais, jaloux d’une puissance si colossale, malgré le mauvais succès de tant d’entreprises, toujours vaincu, jamais découragé, trouvait sans cesse de nouvelles ressources contre l’empereur dans le sentiment national qui animait la nation. Cette nation se voyait attaquée dans sa prépondérance et dans ses intérêts. Son orgueil et son industrie, également irrités des obstacles qu’on lui suscitait, se prêtaient à tous les sacrifices que ses ministres sollicitaient d’elle. D’énormes subsides furent votés pour l’augmentation d’un service maritime qui devait produire un blocus continental de toute l’Europe. Les rois, craintifs devant la force de notre artillerie, se soumettaient à ce système prohibitif que nous exigions d’eux. Mais leurs peuples souffraient ; les jouissances de la vie sociale, les nécessités qu’enfante l’aisance, les besoins, sans cesse renaissans, de mille agrémens matériels, partout combattaient pour les Anglais. On murmurait à Pétersbourg, sur toutes les côtes de la Baltique, en Hollande, dans les ports de France, et le mécontentement qui n’osait s’exprimer, en se concentrant sous la crainte, jetait dans les esprits des racines d’autant plus profondes qu’elles devaient s’y fortifier longtemps avant qu’il osât se montrer au dehors. Il en paraissait pourtant quelque chose, par intervalles, dans les menaces ou les reproches que nous apprenions tout à coup que notre gouvernement adressait à ses alliés. Renfermés en France, dans une ignorance complète de ce qui se passait au dehors, sans communications, du moins intellectuelles, avec les autres nations, défians des articles commandés de nos ternes journaux, nous pouvions conclure cependant, quelquefois, de certaines lignes du Moniteur, que les volontés impériales se trouvaient éludées par les besoins des peuples. L’empereur avait amèrement reproché à son frère Louis d’exécuter trop mollement ses ordres en Hollande. Il l’y renvoya, en lui intimant fortement sa volonté d’être scrupuleusement obéi.

« La Hollande, disait le Moniteur, depuis les nouvelles mesures qu’elle a prises, ne correspondra plus avec l’Angleterre. Il faut que