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« Répond qu’on l’a emprisonnée à tort, puisqu’elle n’est telle.

« Chargée d’avoir fait quelque maléfice au fils de Marie Dusart, garçon âgé de douze ans, et qu’il en seroit décédé peu après,

« Répond qu’elle n’est Dieu pour faire mourir les gens, et qu’elle n’est sorcière, et qu’elle n’a rien fait au dit enfant.

« Chargée d’avoir pareillement ensorcelé un autre garçon plus âgé qui en a cependant été guéri par exorcisme,

« Répond n’être véritable.

« Chargée qu’elle a usé de menaces à l’encontre de Catherine Rombaud, un jour qu’elle la rencontra sur la rue, et que depuis ses menaces ladite Rombaud étoit tombée en d’étranges maladies. jusqu’à jeter des vers à queue, des chenilles et des muchoreilles, et qu’à présent elle ressent encore les effets de ces dites maladies,

« Répond n’être véritable, qu’au contraire elle vérifiera qu’elle étoit malade auparavant.

« Chargée qu’elle auroit fait caresses à un petit enfant du sieur Jean Membrée, et qu’à l’instant il seroit devenu malade, et mourut le lendemain,

« Dénie l’avoir caressé, et qu’ayant été à la dédicace (kermesse) à son village, elle a appris que l’enfant dudit Membrée étoit mort. »

Au cas où la sorcière n’avoue pas, il y a des preuves graves de culpabilité, lorsqu’elle ne peut satisfaire à tous les essais qu’on tente sur elle. L’épreuve de la balance est fondée sur la légèreté des complices du diable ; mais cette épreuve, condamnée par un certain nombre de théologiens, dut bientôt être abandonnée. Il y avait aussi l’épreuve par l’eau. En effet, une sorcière, jetée à l’eau, surnage. A la vérité, les opinions ne sont pas d’accord sur ce point ; car, suivant certains inquisiteurs, par suite de la nature pesante du démon, au lieu de surnager, les sorcières s’enfoncent dans l’eau. Cette épreuve, tentée communément en Allemagne, paraît à Del Rio sans valeur, et Wier appelle bouchers ceux qui établissent le crime d’une sorcière sur ce seul signe.

Une troisième épreuve consistait à faire un fromage de forme spéciale avec le lait de plusieurs vaches, et à le traverser ensuite avec une aiguille ; par ce fait on met à nu la trace de la griffe du diable, trace qu’il a imprimée au front de la sorcière, alors que la malheureuse a renoncé au baptême. L’épreuve du stylet avait une très grande importance. Il s’agissait de chercher si en quelques points du corps existent des parties insensibles ; en effet, le diable, lorsqu’il met sa griffe sur un corps humain, rend insensible le point qu’il a touché ; on a beau piquer, brûler cette région stigmatisée, il ne s’écoule pas une goutte de sang, et la sorcière n’éprouve aucune douleur. Alors le bourreau, pour constater cette anesthésie, enfonçait profondément des aiguilles et des stylets de fer dans le