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avec une promptitude et une vivacité surprenantes les hystériques aliénées. Tous ceux qui ont été apostrophés par ces malades reconnaîtront que la conversation de Nicole Aubry, ou plutôt du diable qui la possède, peut être absolument comparée à la conversation d’une hystérique[1]. Maître Louis Sourbeau, docteur en théologie, commença les conjurations, mais le diable étant monté sur les voûtes se mit à lancer des pierres sur la tête des assistant, et maître Sourbeau de déguerpir. L’archevêque de Laon, duc et pair de France, voulut tenter l’aventure. « Ah ! çà, c’est vous, monseigneur, lui dit l’esprit malin ; vous me faites vraiment trop d’honneur, et pour vous recevoir comme il convient, j’ai convoqué dans le corps de cette fille six diables déterminés. Moi et mes amis nous nous moquons de Jean le Blanc (Jean le Blanc et Janicot sont les noms que le diable donne à Jésus-Christ). Je vous ferai cardinal et pape si vous parvenez à me chasser. En attendant, allez dormir, vous avez trop bu en dînant. » Les réformés viennent à leur tour. « Je suis serviteur du Christ, dit le pasteur Tournevelles. — Serviteur du Christ ? reprend Satan, mais en vérité tu t’abuses, Tournevelles ; tu es pis que moi. » — Heureusement la Vierge, plus puissante que les prêtres réformés ou catholiques, somma Satan de partir. Celui-ci dut obéir, mais en quittant Nicole Aubry, il alla, pour se venger, briser toutes les fleurs du jardin de l’évêché. Il partit ensuite pour Genève, où l’appelaient les intérêts de la réforme.

Pour chasser le diable, on peut employer des remèdes médicaux. A la vérité, ces procédés sont souvent insuffisans. Nicolas Myrepse, médecin grec et chrétien, donne la recette d’un suffiment ou fumée propre à chasser l’esprit immonde. Ce suffiment est composé de barbue en poivrette, de semence d’agnus castus, corne de cerf, graine de laurier, absinthe, bitume ou goudron de Judée, marjolaine d’Angleterre, cumin éthiopique, anis, castoreum, garipot ou ongle odorant, gagate, résine de cèdre et poix liquide. D’autres auteurs affirment que le démon se gaudit lorsque le corps est infecté par l’atrabile, et que par conséquent il est opportun d’administrer des purgations qui chassent cette atrabile. Les sons de la musique sont propres à faire fuir les démons, et, si on n’en pénètre pas la vraie cause, c’est qu’on est bien peu perspicace. « Les diables ne peuvent prendre récréation en la musique, car les tourmens, les feux perpétuels, le désespoir, ne donnent loisir aux diables de reposer. » Si les circonstances sont graves, il n’est pas besoin d’être prêtre pour exorciser ; le premier venu, pourvu qu’il soit animé de bonnes intentions, peut remplir cet office. Au besoin même, les

  1. Voyez Ch. Louandre, Histoire du diable dans la Revue du 15 août 1842.