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qui fut gisant au sépulcre, qui fut ressuscité au tiers jour, et qui en présence de ses disciples monta au ciel. Et parlant au nom de ce grand Dieu et en vertu de son pouvoir qui t’est bien connu, je te commande, esprit malin, que tu sortes présentement du corps de cette servante de Dieu, et que tu ne sois si hardi d’y rentrer désormais. À ces paroles, le diable hurlait désespérément et affligeoit la démoniaque, et montroit assez que c’étoit bien malgré lui qu’il lui falloit abandonner le corps. Ce premier coup d’essai ayant été fait par saint Bernard, il retourne à l’autel et achève la messe, et après la fraction de la sainte hostie, et que le diacre eut donné la paix au peuple et congé de s’en aller, aussitôt la paix fut donnée à la femme, et le diable la quitta entièrement, confessant par la suite l’efficace et la vertu du saint sacrement de l’autel[1]. »

L’eau bénite, les cierges bénits sont puissans pour chasser les diables. — « Après l’eau bénite, il y a le cierge bénit en l’église, la vigile de Pâques, que les diables ne laissent d’avoir en horreur, comme ils oncles lampes ardentes, cierges et chandelles de l’église qu’ils ne peuvent voir, et en fuient la lumière. Beaucoup d’exorcistes, pour faire sortir les diables du corps des hommes, brûlent leurs noms dans le feu du cierge bénit. Les diables, à ce brûlement de leur nom, s’en sentent pressés et tourmentés ; ce qui se peut connaître, parce que les diables se tourmentent et tempêtent dans le corps des démoniaques, crient horriblement et disent qu’ils souffrent. L’épreuve s’en fit de notre âge en Nicole Aubry, démoniaque de Vervins, car, l’évêque de Laon exorcisant le diable qui la possédait, et brûlant son nom de Beelzébub dans le cierge de Pâques, l’on voyoit la femme se détordre, mettre son corps en boule et peloton, s’élever en l’air, tirer la langue hors la bouche demi-pied de long, tâcher de sortir des mains de ses gardes, et faire du visage une morgue si hideuse, épouvantable et diabolique, que le plus assuré de ceux qui assistaient au spectacle n’étoit sans avoir peur. »

N’est-ce pas là le tableau singulièrement exact d’une de ces scènes démoniaques qu’on voit à la Salpêtrière, et dont la photographie a fixé le souvenir ? D’ailleurs, ainsi que ta physionomie, le langage de Nicole Aubry est bien celui d’une hystérique. Elle malmène rudement ceux qui se présentent à elle pour l’exorciser, et on retrouve dans ses paroles l’effronterie, l’audace incroyable, que manifestent

  1. Nous aurons l’occasion de revenir sur les attaques de démonomanie épidémique ; faisons remarquer seulement l’analogie de ces attaques avec celles des démoniaques modernes. La fameuse Louise Lateau, en Belgique, a aussi des visions où le démon joue un rôle. « Le démon se montrait à elle, plusieurs fois chaque nuit, sous toutes les formes hideuses ; elle était jetée à terre, rouée, disloquée, et serrée à la gorge ; une nuit, elle fut jetée violemment contre un des barreaux de sa couchette de fer. » (Les Stigmatisés, par le docteur Imbert-Gourbeyre, professeur à l’école de médecine de Clermont-Ferrand ; Paris, 1873. )