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Mme de Sévigné, Malherbe, le cardinal de Retz, etc., tous reproduits avec un soin scrupuleux, sur les manuscrits de l’auteur ou les éditions les plus anciennes, elle ose enfin aborder les Mémoires de Saint-Simon, et vient d’en faire paraître les deux premiers volumes.

C’est M. de Boislisle qui est chargé de cette publication ; personne n’y était plus propre et mieux préparé. Il a montré dans tout ce qu’il a fait jusqu’ici qu’il avait l’habitude des recherches savantes, qu’il était exact, minutieux, sagace, qu’il possédait surtout ce degré de patience et de décision qui permet d’achever les grands ouvrages. Il a aussi cette bonne fortune, rare chez un homme si occupé, que tous les travaux qu’il mène de front marchent au même but et s’aident l’un l’autre. L’époque dont nous entretient Saint-Simon est celle précisément qu’il connaît le mieux. Les études qu’il a faites sur les contemporains et les successeurs de Colbert l’ont mis en rapport avec tout ce monde de haute finance, contrôleurs généraux, intendans, fermiers et traitans, qui prennent alors une si grande place dans les affaires publiques ; Saint-Simon le conduit à la cour et lui en fait fréquenter les premiers personnages : on peut dire qu’il tient le XVIIe siècle par tous les côtés. Il lui a donc été plus aisé qu’à personne de composer ce commentaire perpétuel que réclamait Montalembert. En examinant ce texte « ligne par ligne et mot par mot, » il a été amené à faire, pour l’éclaircir, près de trois mille notes sur les sujets les plus différens et souvent les moins connus. Quand la note s’allonge, qu’il s’agit de discuter un fait grave ou de produire des pièces indispensables, elle est renvoyée à la fin du volume et forme un appendice qui souvent prend l’étendue et l’importance d’un véritable mémoire historique.

Voilà donc Saint-Simon pour la première fois commenté, éclairci, contrôlé sur tous les points avec une abondance de détails et une sûreté d’informations qui contenteront les esprits les plus difficiles[1]. Il me semble que ces curieux et ces gens de goût, dont je parlais tout à l’heure, qui lui ont voué une sorte de culte, éprouveront en lisant l’édition nouvelle le contentement que causent les œuvres achevées. Je veux montrer, par quelques exemples, comment M. de Boislisle a compris sa tâche et ce que son travail ajoute pour nous à la connaissance et à l’intérêt de ces admirables Mémoires.

  1. Il serait injuste, en annonçant une nouvelle édition des Mémoires, de ne pas rappeler les excellons travaux que M. Chéruel a consacrés à Saint-Simon, surtout son volume intitulé : Saint-Simon considéré comme historien de Louis XIV, et sa récente Notice sur la vie et les Mémoires de Saint-Simon.