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de place dans tout ce qui touche aux affaires étrangères ; franchement on se complaît un peu trop à appeler sans cesse en témoignage M. de Bismarck et les Allemands, les Autrichiens et les Russes.

Le seul fait vrai, c’est que la France, dans ses affaires intérieures, dans le choix de ses représentans au dehors, est tenue de montrer toujours une extrême circonspection, non pour obéir à des injonctions étrangères, dont personne n’a eu l’idée, mais parce que c’est son intérêt d’être modérée et prudente, d’inspirer la confiance par la rectitude de sa conduite, de rester en position d’exercer son influence. Que les étrangers allemands, autrichiens ou russes de leur côté, aient suivi avec une attention particulière la récente crise ministérielle française, c’était assez simple ; c’était aussi leur intérêt, et il n’y a là absolument rien qui ressemble à une prépotence extérieure exercée en France. Les étrangers savent bien que notre diplomatie, qu’elle soit conduite par M. de Freycinet ou par M. Waddington, reste la plus pacifique, des diplomaties, et s’ils ont pu un instant se préoccuper de la signification que prendrait un changement de ministère, ils n’ont pas tardé visiblement à se rassurer. Les conversations que M. le président du conseil a eues au commencement de l’année avec les représentans de toutes les puissances, avec le prince Hohenlohe comme avec le nonce, avec le comte de Beust comme avec le prince Orlof, ont été, autant qu’on en puisse juger, parfaitement cordiales. Rien n’est changé ; notre représentation extérieure n’aura vraisemblablement à subir aucune modification sérieuse. Seul, notre ambassadeur à Berlin, M. le comte de Saint-Vallier, avait cru devoir offrir sa démission, et on avait même parlé, pour le remplacer, de M. Challemel-Lacour, qui représente aujourd’hui la France à Berne. Pour une raison ou pour l’autre, M. Challemel-Lacour, placé un moment entre l’offre du ministère de l’intérieur qu’il a déclinée, et la chance d’aller à Berlin, paraît devoir retourner à Berne 5 M. le comte de Saint-Vallier, toute réflexion faite, paraît devoir rester en Allemagne, auprès de l’empereur Guillaume. De tous les ministères, celui des affaires étrangères paraît le moins exposé aux révolutions radicales et aux épurations à outrance. Notre politique extérieure reste ce qu’elle était, la politique de la paix et de la réserve. C’est en restant ce qu’elle a été jusqu’ici, en s’appuyant sur l’ordre intérieur, sur le développement régulier des institutions et des intérêts, qu’elle peut le mieux faire sentir l’influence française dans toutes ces questions qui s’agitent en Orient comme dans les rapports de tous les jours avec tous les peuples, avec les puissances de l’Europe et du monde.

Il y a du moins une compensation pour la France, après toutes ses épreuves et ses crises, c’est qu’elle ne voit plus éclater chez elle ces complots révolutionnaires, ces tentatives de meurtre qui se produisent presque périodiquement tantôt en Allemagne, tantôt en Russie, qui viennent de se reproduire encore au delà des Pyrénées, à Madrid même,