Page:Revue des Deux Mondes - 1880 - tome 37.djvu/480

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

monarchiste de percevoir les impôts ou d’enregistrer les héritages et les ventes ! Lorsque M. le ministre des finances Magnin, guéri de la goutte, a pu tout récemment donner audience à ses fonctionnaires, il a reconnu de bonne grâce « combien le personnel des finances, depuis le grade le plus élevé jusqu’au plus modeste, est intègre ; combien il est appliqué à ses devoirs professionnels, tout ce qu’il a d’intelligence et de compétence… » C’est déjà quelque chose ; mais il paraît que cela ne suffit pas, il faut une autre qualité sans laquelle on n’est pas un bon et fidèle serviteur de l’état. « Pour qu’un fonctionnaire remplisse tout son devoir envers son pays, il faut non-seulement qu’il accepte le gouvernement qui l’emploie, il faut encore qu’il le soutienne, qu’il le défende… » En un mot, il faut la grâce efficace, il faut être un républicain actif dans la fonction, et au besoin M. le ministre des finances appelle en témoignage son « précieux et dévoué » sous-secrétaire d’état, M. Wilson, chargé de vérifier les titres. Fort bien, c’est un langage connu, et on n’a pas même besoin d’écrire de nouvelles circulaires, on n’a qu’à feuilleter de vieilles histoires pour retrouver celle d’un ministre fameux de la restauration disant à ses fonctionnaires : « Quiconque accepte un emploi contracte en même temps l’obligation de consacrer au service du gouvernement ses efforts, ses talens, son influence. Si le fonctionnaire refuse au gouvernement les services qu’il attend de lui, il trahit sa foi… w Rien n’est changé, si ce n’est que ce sont aujourd’hui des ministres de la république qui s’approprient les théories d’un ministre ultra d’autrefois, — tant l’esprit de parti est invariable dans ses procédés ! Convenez cependant qu’à faire des emprunts à la restauration, il vaudrait mieux puiser dans l’habile administration de M. de Villèle que dans les circulaires de M. de Peyronnet, et qu’en fait de réformes, ce qu’il y avait de plus sage était de commencer par épargner au ministère des finances de dangereuses expérimentations.

M. le ministre de la guerre, lui aussi, a voulu inaugurer son entrée au pouvoir par un changement à peu près complet du personnel militaire supérieur dans l’administration centrale de l’armée ; mais ici, à parler franchement, la question n’est plus la même, elle n’a pas la signification qu’on a paru lui donner, elle n’a surtout rien de commun avec le système des épurations pour raison politique. Il faut rester dans le vrai. Les déplacemens de militaires, d’officiers-généraux, ne ressemblent nullement à des révocations de magistrats, de fonctionnaires financiers par suite de délation, par suspicion d’hostilité ou de tiédeur. Un général ne quitte un service administratif, où il est temporairement placé, que pour être bientôt appelé dans une division ou dans une brigade ; il passe d’un bureau à l’activité, il n’en est rien de plus. Il est toujours fâcheux sans doute qu’un homme comme M. le général Davout, plein de mouvement et de feu, ardemment dévoué