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les vices, et n’étaient nullement propres à la culture qu’ils auraient dû entreprendre. Les deux parties avaient vraisemblablement quelque tort à se reprocher.

Nous sommes disposée à croire que les Russes ne sont pas les colons les mieux choisis pour cultiver des terres situées si près des tropiques. Les habitans du midi de l’Europe s’acclimatent plus facilement au Brésil, comme on doit bien s’y attendre, mais ils traversent les mers en nombre insuffisant. Le gouvernement vient de prendre la résolution d’aller chercher en Chine les travailleurs dont il a besoin. Des crédits ont été demandés aux chambres pour les frais de mission d’un agent spécial qu’il enverrait d’abord à Londres, pour s’entendre avec l’ambassadeur du Céleste-Empire, ensuite à Pékin, pour conclure un traité de commerce et une convention relative à l’exportation des coulies.

Dans le sein du parlement et dans la presse de Rio, une opposition assez vive s’est manifestée contre ce projet. Les critiques ne nous en paraissent pas justifiées. Aux États-Unis ou du moins en Californie, où l’immigration chinoise a jadis été attirée, l’opinion publique est aujourd’hui vivement surexcitée, dit-on, contre la race jaune ; la population californienne voudrait maintenant s’en débarrasser à tout prix ; on dit encore que les Anglais considèrent l’importation des coulies comme une traite déguisée, qu’ils ont suscité dans le passé de terribles embarras au gouvernement brésilien au sujet de l’introduction des nègres ; qu’ils pourraient faire des observations semblables par la voie diplomatique, au sujet des transports d’immigrans chinois : que déjà les membres des associations anti-esclavagistes de Londres se sont émus du nouveau projet et qu’ils ont fait des démarches auprès de l’ambassadeur du Céleste-Empire, le marquis Tseng, pour le prévenir contre les propositions qui vont lui être faites. On assure de plus que le pouvoir central ne sera pas à même de protéger les coulies lorsqu’ils seront dispersés dans les différentes plantations de l’intérieur ; que beaucoup de planteurs traiteront ces malheureux comme ils ont coutume de traiter leurs nègres, comme ils ont déjà traité certains colons blancs ; qu’ils n’observeront plus les contrats et que, les contrats n’étant plus observés, l’immigration s’arrêtera ; enfin les amoureux d’esthétique affirment que le mélange de la race jaune et de la race noire va produire une population effroyablement laide qui provoquera l’horreur du genre humain.

A la première de toutes ces allégations le président du conseil des ministres a répondu victorieusement, en septembre dernier, à la tribune du parlement de Rio. Il n’a pas hésité à déclarer que la raison même qui faisait repousser les Chinois en Californie lui paraissait au contraire devoir militer en faveur de leur introduction