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l’instruction, nul n’égale Fénelon pour les qualités pratiques du pédagogue. On sait ce qu’il réussit à faire du duc de Bourgogne, né, dit Saint-Simon, avec un naturel d’une violence et d’une fougue à faire trembler. Un point important à signaler, c’est que Fénelon se montre partisan de l’instruction publique, « Les enfans, dit-il, appartiennent moins à leurs païens qu’à la république, et doivent être élevés par l’état. » — « Il faut établir, dit-il encore, des écoles publiques où l’on enseigne la crainte de Dieu, l’amour de la patrie, le respect des lois, la préférence de l’honneur aux plaisirs et à la vie même. » Les plus grands théologiens de l’ancienne monarchie ont d’ailleurs reconnu le droit de l’état à donner l’enseignement. Ce fut la doctrine expresse de saint Thomas. C’est seulement, fait observer M. Compayré, le jour où l’état s’est affranchi de la tutelle de l’église, que les docteurs ecclésiastiques ont subitement vu dans le droit de l’état une prétendue usurpation sur celui de la famille. Tant il est vrai que l’intérêt est rarement étranger à l’établissement des principes !


III

On est surpris de la place effacée qu’occupe dans l’histoire de l’éducation en France, aux XVIe et XVIIe siècles, l’Université de Paris. Elle est devenue le sanctuaire de la routine ; elle se ferme obstinément à l’esprit nouveau, à la philosophie de Descartes ; elle manque de professeurs au point qu’elle est souvent obligée d’ouvrir ses rangs à des transfuges de la société de Jésus, et qu’un recteur, Demonstier, propose, en 1645, de faire élever, aux frais de l’Université, un certain nombre d’enfans distingués qui, par la suite, pourraient devenir régens ou précepteurs. C’est la première idée d’une école normale. Écrasée par la concurrence des jésuites, l’Université ne voit rien de mieux à faire qu’à les imiter timidement et de loin. Les résultats n’étaient pas beaucoup meilleurs, et vers 1675, Louis XIV adressait ces sévères paroles aux représentans de ce corps dégénéré : a La manière dont la jeunesse est instruite dans les collèges de l’Université laisse à désirer ; les écoliers y apprennent tout au plus un peu de latin ; , mais ils ignorent l’histoire, la géographie et la plupart des sciences qui servent dans le commerce de la vie. »

L’Université reprend quelque vigueur au XVIIIe siècle sous la direction de Rollin. Mais le Traité des études, œuvre d’une âme excellente, vaut plutôt par l’inspiration morale que par la largeur et la nouveauté des idées. Croirait-on que Rollin s’excuse encore