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bétail comme une simple machine à faire du fumier, et où il relevait, non en vue des bénéfices qu’il pouvait directement en tirer, mais en vue des récoltes produites par les terres fumées. C’était le temps où l’on disait que le bétail est un mal nécessaire. On est bien revenu de ce préjugé et l’on trouve aujourd’hui que de toutes les branches de la culture, l’élève du bétail est la plus productive.

On a souvent discuté la question de savoir si le travail du bœuf est plus ou moins onéreux que celui du cheval. Cette question ne nous paraît pas susceptible d’une réponse absolue, et la solution dépend surtout des circonstances économiques au milieu desquelles on se trouve. Dans les contrées pauvres et de petite culture, il est certain que le bœuf coûte moins cher d’achat et de nourriture, qu’il est préférable au cheval, puisqu’il donne l’engrais nécessaire à la terre, traîne la charrue, rentre les récoltes et qu’il peut, encore, après plusieurs années, être livré à la boucherie. Même dans les contrées où la culture est plus avancée et dans les grandes exploitations, il y a bénéfice à employer des bœufs au lieu de chevaux pour une partie des travaux, pourvu qu’on ait soin de ne pas les garder trop longtemps et de les mettre à l’engraissement avant qu’ils soient trop âgés. M. de Béhague, l’habile agronome du Loiret, a fait des expériences comparatives et a constaté que, si le travail des bœufs est plus lent que celui des chevaux, en revanche il est plus continu et coûte en définitive moins cher que ce dernier. Les Anglais, qui ont créé des races exclusivement propres à la boucherie, ne leur demandent aucun effort ; c’est par des chevaux qu’ils font faire tous les labours et les charrois. Mais une spécialisation aussi absolue nous paraît un mauvais calcul, au moins en France, et nous aurions tort de nous priver de l’avantage que nous offrent quelques-unes de nos races de pouvoir être utilisées pour le travail, sans perdre leur aptitude à l’engraissement.

Il en a été pour le bœuf avec la race durham, comme pour le cheval avec le pur sang anglais ; on en a mis partout. Créée par les frères Colling, la race short-horn (courtes cornes) ou durham, est le produit d’un siècle d’efforts, d’améliorations et de perfectionnemens ; originaire des comtés de Yorkshire et de Durham, elle a envahi toute l’Angleterre, où l’on compte : aujourd’hui, de sept cents à huit cents troupeaux inscrits au herdbook. Elle tend peu à peu à se substituer aux autres races, non-seulement en Angleterre, mais dans les différens pays, dont les cultivateurs viennent s’arracher les meilleurs reproducteurs à des prix exorbitans. C’est que le durham, avec sa tête petite, ses membres fins, sa poitrine ample, sa partie supérieure horizontale, son épaule descendue, sa peau souple, sa corne courte, représente le type le plus accompli de l’animal de