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bleuit ; le cou se gonfle ; les traits de la figure font une grimace horrible ; les bras se fléchissent ; les poings se ferment ; quelques instans après tous les muscles sont animés de tremblemens convulsifs qui vont en augmentant d’abord, puis en s’affaiblissant de plus en plus. Enfin les muscles, épuisés par cet effort violent et prolongé, se relâchent : un sommeil complet, stupide, profond, succède à l’accès tétanique.

Cependant ce sommeil dure très peu de temps, et quelques minutes à peine après le début de l’attaque apparaît la seconde période, celle que M. Charcot a appelée période de clownisme, car elle rappelle les attitudes bizarres et les dislocations invraisemblables dont les clowns nous donnent le charmant spectacle dans les cirques. A ce moment de leur accès démoniaque, les malades exécutent des bonds prodigieux. Le corps se courbe en arc de cercle, de sorte qu’il ne repose plus sur le lit que par la tête et les pieds. La figure est grimaçante, quelquefois terrible, et les traits tirés en tous sens donnent une expression hideuse à la physionomie ; quelquefois tout le corps se soulève tout d’un coup, brusquement, puis retombe pesamment sur le lit. « La malade entre en furie contre elle-même, dit M. P. Richer en décrivant une de ces attaques ; elle cherche à se déchirer la figure, à s’arracher les cheveux, elle pousse des cris lamentables, et se frappe si violemment la poitrine avec son poing qu’on est obligé d’interposer un coussin ; elle s’en prend aux personnes qui l’entourent, cherche à les mordre, et, si elle ne peut les atteindre, déchire tout ce qui est à sa portée, ses draps, ses vêtemens, puis elle se met à pousser des hurlemens de bête fauve, frappe son lit de la tête en même temps que des poings, répétant ce mouvement jusqu’à satiété ; elle se redresse, jette les bras de tous côtés, fléchit les jambes pour les étendre brusquement, secoue la tête en la balançant d’avant en arrière et en poussant de petits cris rauques, ou bien, assise, elle tourne alternativement le corps d’un côté à l’autre en agitant les bras. »

Ce qui n’est pas moins surprenant que cette violence de l’attaque, c’est la facilité avec laquelle on peut l’arrêter. Tout ce débordement effréné cesse subitement si on comprime l’abdomen. Il semble que le point de départ de l’accès démoniaque soit dans l’ovaire, car en appuyant fortement la main sur l’abdomen précisément au point qui répond à l’ovaire, aussitôt la fureur cesse, la conscience revient. La pauvre démoniaque, revenue à elle, jette un regard étonné sur ceux qui l’entourent, ne comprenant pas tout d’abord pourquoi on s’est ainsi réuni près de son lit ; car, lorsque son accès a commencé, elle était seule, et de tout ce qui s’est passé depuis, elle n’a conservé aucune connaissance. Pendant tout le temps que