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apparence de santé. Quoique inexpliqués, ces faits ne sont certainement pas surnaturels. Il faut donc se garder, comme on a essayé de le faire pour Louise Lateau, de voir dans cette abstinence prolongée je ne sais quelle miraculeuse protection divine. Il faut aussi se prémunir contre les simulations nombreuses, habilement tentées par bien des malades. Leur intention est de tromper le médecin. Pourquoi ? on serait bien embarrassé de le dire, si on ne savait pas qu’elles mentent pour mentir, pour avoir le plaisir de répandre une erreur, même quand cette erreur ne leur est à aucun profit. Déjà, aux siècles passés, quelques hystériques ont eu cette étrange fantaisie de faire croire qu’elles vivent sans prendre de nourriture. Wier, un des très rares défenseurs du bon sens contre l’universelle sottise, raconte comment, en 1574, il déjoua les ruses d’une petite mendiante, probablement hystérique, nommée Barbara, qui se faisait passer pour un prodige et prétendait ne manger ni boire. Wier prend la petite mendiante chez lui, l’observe soigneusement de concert avec sa femme et sa servante, et fait si bien qu’il déjoue les ruses imaginées par la petite effrontée. Enfin, elle est forcée, non pas d’avouer son subterfuge, mais de déclarer que Wier l’a guérie de sa maladie.

Wier n’est pas le seul qui ait, même au XVIe siècle, protesté contre l’abus de la croyance au surnaturel. Il est certain que quelques médecins instruits ne se laissaient pas aveugler par les préjugés régnans, et rapportaient les accidens nerveux et convulsifs à leur vraie cause, c’est-à-dire à l’hystérie et non au diable. L’hystérie était appelée alors suffocation de matrice ; mais il y aurait eu témérité à nier l’action des démons ; de là les réticences, les précautions oratoires qu’il fallait mettre en usage pour dissimuler la hardiesse de la doctrine. « J’ai vu, dit Houlier, deux filles d’un président en l’un de nos parlemens de France, sujettes à se prendre de rire de telle sorte qu’impossible était les faire arrêter, ni par effroi, ni par menace et paroles âpres. » « Es suffocations de matrice, dit un savant du XVIe siècle, plusieurs accidens surviennent qui font penser aux médecins peu expérimentés qu’il y a de l’enchantement ou autre chose extraordinaire et surnaturelle. » Ils avaient vu aussi que, souvent, dans l’hystérie, il y a des accidens de catalepsie, des mortes ensevelies vives au tombeau, mais ils s’étaient bien gardés de prendre ces symptômes pour des méchancetés du démon.

Jusqu’à ces derniers temps, les efforts faits par les médecins pour guérir l’anesthésie hystérique étaient restés sans résultat. Une découverte imprévue, révélant toute une série de faits vrais et invraisemblables, est venue apporter à la thérapeutique de l’hystérie d’heureuses modifications. Quoique vulgarisée depuis peu de temps,