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naître la cause de cette perturbation du système nerveux sensitif, on n’est pas encore arrivé à une solution satisfaisante. Il semble même aujourd’hui prouvé qu’il n’y a jamais dans l’hystérie de lésion matérielle organique. Ainsi les nerfs du côté malade ont la même apparence que les nerfs du côté sain : la moelle et l’encéphale sont sans tumeur, sans hémorrhagie. L’anesthésie des hystériques n’est donc pas une de ces maladies où les désordres de l’organe dans sa structure expliquent comment sa fonction est pervertie. La fonction des nerfs sensitifs et de l’appareil sensible récepteur (moelle et cerveau) est abolie, mais aucune lésion apparente ne vient donner la raison de cette abolition de la sensibilité nerveuse. Ce qui semble faire croire qu’on aurait tort de chercher une lésion organique là où il n’y a que perversion dynamique, c’est que les hémianesthésies, après avoir duré très longtemps, quatre ou cinq ans par exemple, tout d’un coup, brusquement, sans cause appréciable, sans motif plausible, disparaissent et ne laissent pas de traces. Les hystériques, disions-nous plus haut, ont un caractère mobile et changeant : leurs maladies sont de même capricieuses et fantasques à ce point qu’elles surviennent sans cause connue et qu’elles s’en vont de même. Il suffit d’une émotion insignifiante, presque inaperçue, pour dissiper des paralysies qui datent de plusieurs années. J’ai été témoin d’un cas de ce genre. Une malade hystérique était paralysée depuis quatre ans, de telle manière qu’elle ne pouvait, depuis quatre ans, ni parler, ni manger, ni boire ; on était forcé de la nourrir en introduisant les alimens dans sa bouche. Un soir, tout d’un coup, elle se mit à parler, déclarant qu’elle pouvait manger toute seule. Et en effet sa guérison fut soudaine et inexplicable. Ce sont des faits analogues, qui, lorsqu’ils ont lieu dans certaines grottes des Pyrénées, passent pour surnaturels et divins. À Paris, on en juge autrement, et on y voit seulement les effets irréguliers d’une maladie incomplètement connue, dont la science n’a pas encore pu approfondir la nature bizarre et complexe.

Certains phénomènes bien étranges ont été observés chez les hystériques. Ainsi il paraît prouvé qu’elles peuvent rester très longtemps sans prendre d’alimens et sans boire ; en même temps les sécrétions tarissent, de sorte que, dans certaines conditions encore mal déterminées, il y a une cessation presque complète des phénomènes chimiques de la vie, phénomènes qui, chez tous les autres individus, ne peuvent cesser qu’au moment de la mort. « La nature, dit M. Charcot, semble avoir des ménagemens pour les hystériques. » Le phénomène le plus surprenant, c’est que, malgré la violence des accès, malgré l’insuffisance et la pénurie de l’alimentation, les malades conservent leur embonpoint et la même