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entières ; puis, subitement, cette crise de tristesse cesse et fait place à une étonnante gaîté.

Tout ce qu’on a coutume d’attribuer au tempérament nerveux de la femme rentre dans le domaine de l’hystérie. L’appétit est capricieux, fantasque : aujourd’hui, par exemple, tout déplaît, et il est impossible de faire accepter la moindre parcelle de nourriture ; demain ce sera tout différent, et rien ne pourra apaiser la faim. En général les hystériques ont un goût très marqué pour le vinaigre, les fruits verts et à peine mûrs, régime évidemment peu favorable à la santé. Cette alimentation irrégulière et défectueuse fait que la nutrition générale périclite et que le sang s’appauvrit. Par une sorte de cercle vicieux très commun en pathologie, cette anémie augmente l’hystérie qui l’a fait naître, et presque toujours les jeunes filles anémiques sont plus que les autres sujettes à l’hystérie.

Le caractère des hystériques est fort étrange, comme chacun sait. On pourrait dire, en empruntant une expression à la peinture, qu’il est très pittoresque, présentant des points de vue variés et toujours imprévus. Telle jeune fille, par exemple, a eu hier un caractère charmant, facile, aimable ; mais aujourd’hui, sans qu’on sache pourquoi, tout est changé. Elle ne souffre pas la moindre observation, est mécontente de tout, fait mauvaise mine à tout le monde, enfreint toutes les recommandations qu’on a pu lui faire ; en un mot, elle est devenue aussi indocile que le plus polisson des collégiens. Cette indocilité est d’autant plus surprenante qu’elle survient tout à coup, sans cause, et disparaît de la même manière.

L’amour-propre est toujours extrêmement développé, tellement que la plus légère plaisanterie devient souvent une cruelle offense, subie avec indignation, et contre laquelle il n’y aura pas assez de larmes pour protester. Tout devient un sujet de drame. L’existence apparaît comme la scène d’un théâtre. La vie régulière, simple, facile, qu’amène le va-et-vient de chaque jour, est transformée par les hystériques en une série d’événemens graves propres à tous les développemens dramatiques. Elles sont sans cesse à jouer avec un égal succès la comédie et la tragédie sur les scènes plates de la réalité. Rien n’est plus simple que de vivre, rien n’est plus compliqué que la vie, disait Macaulay. Les hystériques sont de ce dernier avis ; elles ne comprennent pas la simplicité. Terreur, jalousie, joie, colère, amour, tout est exagéré, hors de proportion avec les sentimens justes et mesurés qu’il est convenable d’éprouver.

Il semble qu’il y ait chez tout être humain deux forces contraires : le sentiment et la volonté. Par la volonté on arrive (ou on croit arriver, ce qui est tout un) à dompter ses sentimens, à faire taire l’exubérance instinctive et passionnée de la nature brute. On est maître de soi, compos sut, comme disaient les anciens. On