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Dans la seconde partie, nous montrerons ce que furent aux siècles précédens les affections démoniaques, par quelle étrange succession d’erreurs on a été amené à affirmer que le diable vient se loger dans les corps humains, et qu’il faut brûler, anéantir ces pauvres corps, devenus les réceptacles et les complices des esprits malfaisans.

En dernier lieu, nous ferons l’histoire des grands procès de sorcellerie aux XVIe et XVIIe siècles.

Pour conserver l’ordre chronologique, il eût fallu commencer par les démoniaques d’autrefois, et terminer par les démoniaques d’aujourd’hui. Nous avons pensé qu’il serait préférable de suivre l’ordre inverse. Quand on connaîtra mieux les faits positifs élucidés par les savans contemporains, on suivra avec plus d’intérêt le récit des superstitions qui ont égaré nos ancêtres. L’ordre logique n’est pas l’ordre chronologique, et pour être à même de bien juger l’erreur, il faut d’abord connaître la vérité.


I

Le mot d’hystérie n’a sans doute pas été souvent prononcé ici. Cela s’explique jusqu’à un certain point par l’opinion erronée qu’on se fait dans le public sur la cause et la nature de cette maladie. Les romanciers, et en particulier ceux qui se disent naturalistes, ne se sont pas fait faute de contribuer à propager la doctrine de l’hystérie érotique. Cette doctrine est loin d’être exacte. Il n’y a pas entre l’hystérie et le célibat une relation de cause à effet, et on peut parler de l’hystérie, étudier ses causes et décrire ses symptômes sans avoir besoin de mettre en latin les passages délicats. C’est une maladie nerveuse qui n’est pas plus lubrique que les autres maladies nerveuses, et, malgré l’effroi qu’elle inspire à des personnes à demi instruites, nous pouvons dire hardiment que cet effroi n’est pas justifié. On aura, je pense, l’occasion de le constater tout à l’heure.

À la Salpêtrière, derrière les vastes bâtimens habités par les vieilles femmes, se trouve l’asile des aliénées. C’est là que sont enfermées les hystériques. Elles ne sont pas disséminées dans les différens services : on les a réunies dans la même partie de l’hôpital, et depuis plusieurs années elles sont confiées aux soins de M. le professeur Charcot. Ce savant médecin, désireux d’appliquer à l’observation des affections nerveuses les méthodes exactes qui sont employées en physiologie, a fait établir à côté des salles réservées aux malades un laboratoire où peuvent être faites des études précises sur les phénomènes les plus délicats de la pathologie du système nerveux. À ce laboratoire est annexé un atelier de photographie. On a pu reproduire ainsi avec une exactitude indiscutable les principales phases