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La même quantité de chaleur qui se dégage quand deux corps se combinent est absorbée intégralement quand ils se décomposent. Réciproquement la même quantité de chaleur qui est absorbée quand deux corps se combinent se dégage quand ils se décomposent. Dans un cas la décomposition absorbe de la chaleur, dans l’autre cas elle dégage de la chaleur. Ces faits sont rigoureusement démontrés, de sorte que la théorie mécanique de la chaleur, qui fait l’unité de la physique, doit faire aussi l’unité de la chimie.


CH. R.



Le Rétablissement du catholicisme à Genève, il y a deux siècles, par M. Albert Rilliet, Genève, 1880 ; Georg.


Ce livre mériterait mieux qu’une courte notice bibliographique ; si l’auteur lui-même, de propos délibéré, n’avait rétréci le champ de son sujet et ne l’avait resserré dans les bornes de ce qu’on appelle de nos jours une étude documentaire. Tel quel, on ne saurait trop le recommander à l’attention de tous ceux qui croient que plus d’une partie de l’histoire politique du XVIIe siècle n’est pas encore écrite. En nous retraçant, d’après les archives de notre ministère des affaires étrangères et d’autres documens inédits, l’histoire de l’installation à Genève du premier représentant diplomatique que Louis XIV y ait entretenu, ce n’est pas en effet un épisode de l’histoire de Genève que M. Rilliet nous remet sous les yeux. C’est aussi, c’est surtout un épisode important de notre propre histoire et de la politique de Louis XIV dans ses rapports avec les protestans. Il n’y a pas lieu de revenir sur la condamnation que l’histoire a portée contre la révocation de l’édit de Nantes. On ne changera pas le dispositif du jugement, mais on en pourra modifier les considérans. Le livre de M. Rilliet prouvera pour sa part la nécessité d’une telle modification. Louis XIV en installant à Genève un représentant diplomatique exigera comme un privilège naturel de sa souveraineté qu’une chapelle catholique soit ouverte dans la maison de ce représentant et qu’on y dise la messe. Il ne permettra pas qu’on aille plus loin. Tirons de là cette conclusion que l’on se trompe ou que l’on s’écarte au moins de la vérité vraie quand on voit dans les violences de Louis XIV contre les protestans français un excès de son zèle religieux. Il ne peut être question que d’une déplorable erreur de sa politique. Ce n’est rien excuser, ni même rien atténuer : tout au contraire, c’est plutôt aggraver le jugement consacré. On dira qu’il n’importe guère en pareil cas et que les victimes de la violence n’en sont pas moins à plaindre. Assurément ; mais ce qui importe beaucoup à tout le monde, c’est qu’un acte considérable d’un grand règne soit l’œuvre d’un homme d’état qui se trompe cruellement et non pas d’un vieillard superstitieux et fanatisé qui expie dans la personne des réformés de France les péchés de sa brillante jeunesse.


Le directeur-gérant, C. BULOZ.