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tentions ne sont pas si extraordinaires, puisque d’autres les ont eues avant eux. Oui, — il faut seulement aller jusqu’au bout. Ces honnêtes ultras de 1820 ont triomphé avec leurs idées et leurs épurations ; ils ont eu leur politique royaliste, leurs employés royalistes, et leur triomphe a préparé la ruine de la royauté qu’ils croyaient sauver. Ils ont tout perdu, — c’était encore une solution à ce que disait en ce temps-là M. Royer-Collard ! C’est au ministère nouveau de réfléchir, de savoir s’il veut conduire la république dans la même voie en subissant l’influence des mêmes passions, en faisant de cette question des fonctionnaires et de la magistrature une affaire de parti, au risque de tout désorganiser et de multiplier les inimitiés.

En vérité, quelle est cette étrange passion de tout remuer, de tout menacer, de tout faire pour rétrécir la république aux proportions d’un parti fermé, d’une église où l’on ne dit que la messe des libres penseurs ? quelle est cette passion d’offenser les intérêts et les croyances, de se créer des ennemis de toutes parts, de donner des griefs trop légitimes à des oppositions qui peuvent devenir puissantes ? Et quand on se sera ainsi mis en guerre avec la magistrature, avec le clergé, avec toutes les influences sociales, quand, on aura bien épuré, quand on aura exclu tout ce qu’on peut exclure en fait d’élémens modérés, même souvent le bon sens, la raison et la sagesse, qu’aura-t-on gagné ? Quelle garantie de durée aura-t-on donnée à la république ? Il faut bien cependant faire quelque chose, dira-t-on, il faut bien que la république se manifeste par son action, par ses œuvres, c’est encore M. de Freycinet qui le disait il y a deux ans. Oui, sans doute, il faut agir, il faut marcher, et c’est parce qu’il faut agir sérieusement que tous ces incidens irritans, toutes ces questions agitatrices qui se succèdent ne sont que de la mauvaise politique. Ce ne sont pas les sujets de délibération qui manquent. Depuis plus d’un an, on est à une enquête sur nos industries, sur notre régime douanier ; il n’y a que quelques jours que les rapports ont été déposés. Pendant ce temps, nos relations commerciales sont en suspens ou restent sous la loi de traités provisoires. Que ne se met-on à ce travail ? Dans ce domaine même de l’enseignement où M. Jules Ferry s’est jeté avec son irréflexion turbulente, est-ce qu’il n’y a que l’article 7 ? Pour ce capricieux et violent article 7, tout a été arrêté ; s’il n’avait pas existé, les lois sur l’enseignement seraient déjà votées. Dans les affaires militaires, le nouveau ministre de la guerre, M. le général Farre, a certes de quoi exercer son activité ; il n’a point à craindre d’être accablé par les souvenirs de M. le général Gresley, qui a passé au ministère sans éclat, sans laisser de résultats, pour finir par un mouvement de mauvaise humeur. Oui, vraiment, en cela et en tout la république a beaucoup à faire, mais elle ne le peut qu’en se mettant vigoureusement au travail. C’est le nouveau ministère qui est maintenant chargé du soin