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l’Université, pour l’ordonnance des études, l’organisation des pères. « Quand, dit-il, on se reporte à l’écrit intitulé Ratio studiorum, qui est le premier plan d’études de la compagnie de Jésus, on y découvre à chaque pas de vieilles connaissances. »

La séparation des classes en deux séries, la part essentielle faite au latin, l’abus du discours et du vers latin, la nullité de l’enseignement du grec, le goût des chrestomathies et des Selectœ, les compositions hebdomadaires, l’amour-propre comme principal stimulant des études, les distinctions honorifiques prodiguées aux élèves, la solennité des distributions de prix, enfin l’internat[1], c’est-à-dire l’éducation publique mise au-dessus de l’éducation privée, tout cela nous vient, paraît-il, des jésuites, et tout cela constitue, dans la pensée de notre auteur « une organisation des études qui dès le dernier siècle paraissait aux meilleurs esprits étroite et arriérée. » Ainsi, de l’aveu d’un inspecteur-général de l’Université ; notre système d’études est à réformer de fond en comble. Il a un vice capital, qui est de « subordonner toutes les connaissances à une idée dominante, de ramener l’instruction à l’art d’écrire[2]. » Voilà l’idéal que « nos professeurs ont en vue. » Ce jugement est déjà fort sévère, beaucoup trop sévère à notre avis ; il l’est moins cependant que celui du même écrivain sur le régime intérieur et l’éducation du lycée. Qu’on lise plutôt : « Nos internats sont des créations artificielles où, pour apprendre aux jeunes gens à se conduire, on les prive des libertés les plus simples, un mélange du couvent et de la caserne avec les côtés fâcheux de l’un et de l’autre. » Les proviseurs, « dont l’action devrait être surtout littéraire et morale », sont accablés par la besogne matérielle et administrative. Les censeurs n’ont guère plus de temps, obligés qu’ils sont « de vaquer à leurs ingrates et multiples fonctions. » Ils ne connaissent pas « directement » l’élève. Leurs rapports essentiels avec la jeunesse du lycée se bornent à confirmer les punitions données par le professeur[3]. » Quant au maître d’étude, voici le portrait qu’en trace M. Bréal : « Le maître d’étude est la pièce principale du mécanisme de nos internats. Il est ou devrait être pour l’éducation ce que le professeur est pour

  1. M. Bréal fait ici, croyons-nous, erreur. D’après le recensement envoyé à Rome à la fin de 1627, les jésuites élevaient dans la seule province de Paris treize mille cent quatre-vingt-quinze jeunes gens presque tous externes. Il suffirait pour s’en assurer de regarder les bâtimens qui existent encore, le collège de Clermont notamment (Louis-le-Grand), : qui recevait trois mille jeunes gens. Ajoutons que depuis 1870 les jésuites ont fondé huit externats purs : ceux de Lyon, d’Alger, de Lille, de Tours, de Brest, de Marseille, de Dijon et de Saint-Ignace à Paris.
  2. Michel Bréal, Quelques Mots sur l’instruction publique, page 158.
  3. Voir pages 296 et 297.