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puérile devant une assemblée complaisante ; ou ne la reproduirait pas impunément dans une autre enceinte.

On aura aussi quelque peine à démontrer devant le sénat qu’il était « opportun » d’ajouter à toutes les difficultés que le gouvernement de la république avait déjà sur les bras la complication d’une guerre religieuse. M. le ministre de l’instruction publique a légèrement glissé sur cette partie de son discours. Il s’est contenté de déclarer sans fausse modestie que l’article 7 était une grande chose et que la république devait profiter de sa jeunesse pour accomplir cette chose. « Attendre ? s’est-il écrié, dans une péroraison pathétique, pourquoi ? Quand serons-nous plus forts, plus puissans ? Quand les partis seront-ils plus vaincus, plus désarmés ? Ils sont à terre, profitons-en pour les écraser ; saisissons l’occasion. » L’argument a paru triomphant, et la chambre a souligné de ses applaudissemens ce franc appel à la force. Nous n’avons pu, quant à nous, nous retenir d’en éprouver une sorte d’humiliation. Eh quoi ! voilà un gouvernement qui se proclame lui-même inattaquable, qui dispose d’une majorité considérable dans la chambre, qui n’a devant lui que des partis abattus, et ce gouvernement n’a qu’une pensée, c’est de porter le coup de grâce à ses adversaires ! Voilà votre courage, et voilà votre générosité ! Encore si votre occasion était bonne, si vous aviez su mettre de votre côté les apparences. Mais non : un. beau matin, sans préparation, sans motif, sans même un prétexte, on déclare la guerre et l’on entre en campagne. De quel droit ? Du droit du plus fort. — A-t-on seulement fait une enquête ? Connaît-on bien le nombre des établissemens qu’on va frapper ? Sait-on quel est le chiffre de leur population ? Point : on n’a pas même ces données élémentaires. En ce qui concerne les maisons des jésuites, on hésite entre vingt-sept et trente et un, quand le chiffre véritable est vingt-neuf. En ce qui concerne la population totale des établissemens dirigés par des congrégations d’hommes non autorisées, on fait une erreur de près du quart pour 1876, et l’on n’a pas l’idée de vérifier si cette erreur en est encore une en 1879. On n’a pas la curiosité de se demander si l’enseignement congréganiste a gagné pu perdu pendant les quatre dernières années. La chose en vaudrait pourtant la peine.

Pour les congrégations non autorisées de femmes, c’est bien pis encore. On n’a pas même ici de données fausses ; on n’en a aucune[1]. Et l’on refuse d’accepter celles des intéressés ; on les récuse, quand il serait si simple de les contrôler. En vérité tout cela n’est guère habile, et l’on demeure confondu de trouver tant d’étourderie

  1. En effet, la dernière statistique publiée par le ministre de l’instruction publique « ne porte en aucune façon, » ce sont les termes mêmes de M. Ferry, sur les écoles de filles.