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institutrices venues de l’Arsakéion d’Athènes ; l’école des garçons est florissante, et on ne désespère pas d’avoir bientôt une école hellénique où les jeunes Grecs recevront une véritable instruction secondaire. L’impulsion est donnée par un syllogue[1] ou société littéraire, qui a pris à tâche de répandre l’instruction et de fortifier la tradition hellénique. Le syllogue d’Isbarta, qui en est encore à ses débuts, se déguise sous le nom modeste de cabinet de lecture (anagnostirion). L’installation est des plus simples : on se réunit dans une petite salle ornée de gravures représentant les principaux épisodes de la guerre de l’indépendance ; quelques livres, des journaux d’Athènes, de Smyrne, de Constantinople, constituent toutes les richesses littéraires de l’association. Mais, si les ressources du syllogue sont encore modiques, il en fait du moins un emploi fort intelligent. Il entretient trois boursiers à l’université d’Athènes, surveille et administre les écoles grecques de la ville, correspond activement avec les syllogues du royaume hellénique et de Constantinople, et recueille les documens qui peuvent avoir quelque intérêt pour l’étude des antiquités nationales dans cette région. Les copies des inscriptions grecques découvertes dans la province sont adressées au syllogue par ses correspondans, et déposées dans les archives. Il y a là une véritable activité, dont les résultats seront certainement féconds ; on peut prévoir le temps où un réveil énergique de la nationalité hellénique se produira parmi les communautés grecques de la Turquie d’Asie, et où les Grecs d’Asie acquerront par leur zèle intelligent l’influence et l’autorité que la diplomatie européenne ne peut pas encore leur garantir. Les Grecs ont toujours montré une rare aptitude pour l’organisation de leurs affaires intérieures ; rien ne le prouve mieux que ces syllogues dont les attributions sont plus étendues que leur nom ne l’indique. Faut-il ajouter que ces qualités se développent surtout dans les provinces qui ne sont pas libres ? Il semble que l’esprit d’opposition contre le gouvernement ottoman et le souci constant de leurs intérêts nationaux donnent aux efforts des Grecs de Turquie une unité qui n’est pas toujours réalisée dans le royaume hellénique.

Nous visitons l’école grecque, dirigée par un Grec de Marathon et deux sous-maîtres. Pendant l’hiver, les classes se font dans une maison bien close, aménagée avec soin ; au-dessus de la porte d’entrée on lit l’inscription suivante : « C’est la Sagesse qui a construit cette maison pour elle-même. » L’été, toute l’école se transporte dans un vaste bâtiment, largement aéré, et dont les salles pourraient

  1. M. le marquis de Queux de Saint-Hilaire a consacré aux syllogues en Orient et en Grèce une intéressante étude, dans l’Annuaire de l’Association pour l’encouragement des études grecques en France, année 1877. L’Annuaire de 1874 contient également une notice de M. Albert Dumont sur les Syllogues en Turquie.