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NOTES
D'UN
VOYAGE EN ASIE-MINEURE

I.
DE MERMEREDJÉ A ADALIA.

L’attention du public français, au cours des derniers événemens d’Orient, s’est surtout portée sur les provinces européennes de l’empire ottoman, et les intérêts qui y sont en jeu ont encore le privilège d’occuper les esprits. La Turquie d’Asie est beaucoup moins connue ; d’un accès difficile et rarement visitée, elle offre au voyageur nombre de régions inexplorées ; il n’y en a pas de meilleure preuve que l’insuffisance de la carte de Kiepert pour certains points ; là, tout est encore à connaître. Depuis que le protectorat de l’Angleterre en Asie-Mineure est devenu chose officielle, cette province va se trouver transformée en un véritable champ d’expériences, où les tentatives de réformes rencontreront des obstacles tout particuliers. Nulle part, dans l’empire ottoman, l’esprit de la vieille Turquie ne s’est conservé plus intact, avec ses défauts et ses qualités, son ignorance absolue des idées et des besoins modernes, son orgueil de race, son aveuglement systématique sur la politique extérieure, mais aussi son honnêteté native et sa bonne foi. Dans ce pays peu fréquenté, les Turcs sont chez eux ; le caractère ottoman, altéré et faussé à Constantinople par un perpétuel contact avec l’étranger, s’y retrouve dans toute son intégrité. Il y a donc peut-être quelque intérêt à retracer la physionomie de ce pays et de ses habitans, telle qu’on a pu la connaître en passant plusieurs mois au milieu des Turcs anatoliens, en logeant sous leur toit, en observant leur vie. Il était naturel en outre d’étudier avec soin la situation des Grecs d’Anatolie, au moment où le pays ressentait les