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la sanction, et qu’a dit M. le président du conseil ? M. le ministre des affaires étrangères a prononcé en définitive le discours d’un chef de cabinet sensé et modéré. S’il y a des points délicats sur lesquels il a montré quelque réserve, il en est d’autres sur lesquels il a été parfaitement net. Il n’a hésité ni sur la question de l’amnistie, qu’il ne veut pas laisser rouvrir, ni sur l’esprit d’impartialité qui doit présider aux modifications de personnel, ni sur cette reconstitution des mairies de Lyon et de Paris, qui est devenue, à ce qu’il paraît, un des articles des programmes radicaux. Il n’a point hésité à déclarer qu’il n’acceptait ni la liberté illimitée des réunions, « qui ne serait que la liberté des clubs, » ni la liberté illimitée des associations, ni bien d’autres choses encore. En un mot, sans faire un programme prétentieux, il a simplement opposé une politique de modération, de raison et de mesure à la politique exclusive et radicale des représentans de l’union républicaine, et c’est sur le terrain où le gouvernement l’appelait que la majorité de la chambre s’est ralliée en votant l’ordre du jour du 4 décembre.

Qu’on dégage ces quelques faits, et les déclarations du gouvernement résumées par M. le président du conseil, et cet ordre du jour d’une modération intentionnelle, et ce vote d’une majorité peut-être assez peu enthousiaste, mais accessible à un conseil de bon sens, à des considérations d’intérêt public ; qu’on réunisse ces faits, ce sont là des élémens précis et saisissables dans une situation qui a ses faiblesses et ses incohérences sans doute, qui reste exposée à toutes les influences contraires, mais qui, en définitive, n’est point sans offrir quelques ressources pour la détermination de la seule conduite possible, pour la reconstitution d’un ministère suffisamment viable. Dans tous les cas, il est clair, par toutes ces manifestations récentes qui ne répondent encore qu’incomplètement à l’instinct, aux besoins du pays, il est clair que le sentiment le plus général ne va pas aux programmes extrêmes, qu’il appelle plutôt au contraire une politique de ferme et libérale modération assez résolue pour se fixer des limites, pour épargner à la république le danger des guerres inutiles, des agitations et des aventures. C’est là ce qui se dégage de tout un ensemble de choses, — ou les phénomènes d’opinion qui se succèdent sous plus d’une forme depuis quelque temps n’ont aucun sens. Le choix même des hommes appelés à se réunir dans le cabinet qui travaille à se renouveler n’aura de valeur que s’il s’inspire de cette idée générale.

Eh bien, c’est dans une situation ainsi faite, à côté d’une chambre capable dans un jour donné de bons mouvemens, mais pleine de velléités inquiètes, prompte aux tentations et aux faiblesses, c’est dans cette situation que le sénat peut vraiment prendre un rôle actif et efficace, sans sortir en aucune façon de sa sphère ; c’est là qu’il peut intervenir utilement, patriotiquement, non certes par des résistances irritâmes ou de vaines susceptibilités, mais en fortifiant les opinions sensées de l’autre