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chromolithographies, on lui donne donc des chromolithographies. Mais pourquoi les éditeurs n’essaieraient-ils pas de diriger un peu le goût de leur public ? Je crois qu’ils n’auraient qu’à vouloir. On se plaindrait peut-être moins qu’ils ne pensent, et l’on achèterait tout aussi bien leurs livres, s’ils se faisaient une loi de n’employer qu’un seul procédé, par exemple, à l’illustration d’un même livre, tantôt la gravure, la gravure sur bois, puisqu’il paraît que le public ne veut plus payer la gravure en taille-douce, et tantôt la chromolithographie, puisqu’il paraît que le public y tient. Tachons, pour beaucoup de bonnes raisons, de retenir l’art sur la pente de l’industrie.

Que cette uniformité de l’illustration contribue pour beaucoup à la beauté du livre, nous avons au surplus de bons exemples à citer pour le prouver. Ainsi le Théâtre choisi de Corneille, édité par la maison Marne[1]. Le volume contient les cinq chefs-d’œuvre classiques, le Cid, Horace, Cinna, Polyeucte et le Menteur. En tête une courte notice, en avant de chaque pièce les Dédicaces, Avertissemens et Examens de Corneille, pas une note au bas de la page, pas même une indication de variante ; au commencement de chaque acte une vignette, gravée à l’eau-forte et fixée dans le texte, voilà le vrai livre de luxe, et si seulement le caractère était un peu plus gros, le papier moins satiné, ce qui le rendrait moins cassant, nous proposerions volontiers le volume comme un modèle. Il fait partie d’une collection de classiques déjà fort avancée, qui sera précieuse un jour pour les gens du monde, justement parce qu’elle ne renferme que les textes, débarrassés de tout appareil d’érudition et de critique ; collection à l’usage de ceux qui lisent les classiques pour le seul plaisir de les relire et de se distraire de beaucoup de choses ennuyeuses en conversant avec de grands esprits. Ceux-là, trop de notes les ennuieraient, et c’est à eux surtout que s’adressent les livres d’étrennes. C’est aussi ce que nous pouvons dire de la traduction de Faust, éditée par la maison Quantin[2]. Rien de trop, — que quelques bois peut-être ; — mais de beau papier, de beaux caractères et des eaux-fortes signées de M. Lalauze, qui semble avoir voulu nous donner une illustration de Faust inspirée du souvenir des lithographies d’Eugène Delacroix. De toutes les interprétations, si diverses, comme on le sait, que l’on peut donner du drame épique de Goethe, celle d’Eugène Delacroix n’est peut-être pas la plus séduisante pour l’œil, mais nous savons qu’elle plaisait singulièrement à Goethe. C’est ce que nous rappelle, dans une remarquable préface dont les lecteurs de la Revue se souviendront qu’ils ont eu la primeur, M. Blaze de Bury. Comme la préface, la traduction est aussi de M. Blaze de Bury. On en

  1. Théâtre choisi de Corneille, avec une notice par M. Poujoulat. 25 sujets et un portrait gravés à l’eau-forte. Compositions de MM. Barrias et Foulquier, 1 vol. in-8o.
  2. Faust ; première partie, traduction et préface de M. Blaze de Bury, 10 grandes compositions, gravées à l’eau-forte par M. Lalauze, 1 vol. in-8o ; Quantin.