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soldats de plomb, les poupées qui parlent et les chevaux à mécanique suffisent au bonheur de l’enfance. On aura peut-être raison. Quand ces demoiselles en auront assez d’habiller, de déshabiller et de bercer leur fille, comme quand ces messieurs auront éventré un nombre suffisant de polichinelles, alors dans la bibliothèque Hachette, et dans la bibliothèque Helzel, ils ou elles n’auront plus que l’embarras du choix. Citons en passant dans la première de ces collections Robert Darnetal, de M. Ernest Daudet, un Nid, de Mme de Witt, le Neveu de l’oncle Placide, de M. J. Girardin ; et dans la seconde le Petit Loup de mer, du célèbre conteur Mayne Reid et deux livres dont il faut faire mention tout spécialement : le Voyage involontaire, de M. Lucien Biart, et l’Histoire d’un dessinateur, de M. Viollet Le Duc. Ce n’est pas aux lecteurs de la Revue qu’il sera besoin de recommander longuement un récit de M. Lucien Biart et surtout un récit qui les reportera vers les contrées lointaines d’où M. Biart nous a jadis rapporté de si jolies nouvelles. Quant à l’Histoire d’un dessinateur, c’est la dernière œuvre de M. Viollet Le Duc, œuvre posthume d’un artiste célèbre, consommé dans la connaissance de toutes les parties de son art et qui s’était donné, comme on se le rappelle, dans ses dernières années, la tâche de mettre à la portée non-seulement de la jeunesse, mais un peu de tout le monde, sous une forme familière à la fois et précise, les notions de son art et de l’histoire de son art. La réputation de Viollet Le Duc ne peut désormais que grandir, et comme après tout, en ce qui touchait à son art, il a toujours su demeurer uniquement un artiste, ce volume, ainsi que ceux qui Pont précédé dans la même collection, l’Histoire d’une maison, l’Histoire d’une forteresse, l’Histoire d’une cathédrale, etc., servira, nous l’espérons, à le faire connaître de bonne heure de toute jeunesse intelligente et studieuse.

Quant au livre d’étrennes proprement dit, il semble que ce soit désormais aux hommes qu’il s’adresse, aux amateurs même et presque aux bibliophiles. Par les dimensions du format, la beauté du papier, le choix des caractères, par la diversité de l’illustration, le livre d’étrennes est devenu dans notre temps le dernier mot du luxe des livres. Il resterait pourtant un progrès encore à faire : ce serait, en matière d’illustrations, sinon de se borner, du moins de se conformer aux lois d’un goût plus difficile. Comme on dispose aujourd’hui pour illustrer le livre d’un nombre de procédés si grand que la place nous manquerait à pouvoir ici les décrire, vous diriez que dans la plupart de ces beaux livres on veuille à tout prix nous donner au moins un échantillon de chacun de ces procédés. Gravure en taille-douce, eau-forte, gravure sur bois, héliogravure, chromolithographie, quoi encore ? Car c’est de quoi s’y perdre, et j’ajoute sans que le plaisir ni même l’éducation de l’œil y gagnent vraiment quelque chose. La faute n’en est pas aux éditeurs uniquement, qui suivent en cela le goût du public. Le public aime les images, on lui donne donc des images, il aime surtout le