Page:Revue des Deux Mondes - 1879 - tome 36.djvu/875

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pessimisme, les argumens les plus propres à décourager les promoteurs de l’expédition. Mais le baron d’Haussez, à qui le capitaine Dupetit-Thouars, avec une compétence au-dessus de son âge et de son grade, avait fait partager ses convictions, était animé d’une foi invincible dans le succès. Il l’avait fortifiée encore en lisant le rapport du commandant du génie Boutin envoyé dans les eaux d’Alger, en 1808, ainsi que nous l’avons raconté, pour étudier les moyens de jeter une armée sur la côte. Il était résolu à frapper un grand coup, à prouver au monde que, lorsque la France avait une injure à venger, ce n’était point la prétendue insuffisance de sa marine qui pouvait arrêter son bras. Plein de ces pensées, il répondit aux objections du vice-amiral Duperré en lui ordonnant de partir sur-le-champ pour Toulon, afin d’y presser l’organisation de la flotte qu’il devait commander. En même temps, il multipliait ses ordres et, sûr du ferme concours du ministre de la guerre, il prenait envers le roi l’engagement d’être prêt le 1er mai, au plus tard. Sa confiance opéra des prodiges ; bientôt il put compter parmi ses plus ardens collaborateurs ceux qui avaient élevé des doutes sur l’opportunité et la possibilité de ses projets, et, au premier rang, l’amiral Duperré lui-même.

Au ministère de la guerre, cet exemple porta ses fruits ; deux mois après, toutes les troupes qui devaient former le corps expéditionnaire se trouvaient cantonnées dans diverses contrées du littoral de la Provence, attendant l’heure fixée pour l’embarquement. Il faut lire dans les deux historiens d’après lesquels nous rappelons ces grands souvenirs la longue nomenclature des forces militaires et maritimes réunies pour aller conquérir Alger. L’armée, composée de trente-sept mille hommes et de quatre mille chevaux, comprenait trois divisions commandées par les lieutenans-généraux baron Berthezène, comte de Loverdo et duc des Cars, comptant chacune trois brigades. L’artillerie et le génie étaient aux ordres des maréchaux de camp de La Hitte et Valazé. Les fonctions de chef d’état-major général étaient confiées au général Desprez, celles de sous-chef au général Tholozé, celles d’intendant-général au baron Denniée. Toutes ces nominations et celles des généraux commandant les brigades étaient faites dès le 21 février ; le commandant en chef ne fut désigné que deux mois plus tard. Après avoir hésité entre le maréchal Marmont, le général Clausel et le général de Bourmont, ministre de la guerre, le choix du roi s’arrêta sur ce dernier. M. de Bourmont n’avait pas sollicité ce commandement ; ce fut Charles X qui le lui offrit. Il l’accepta avec la reconnaissance d’un soldat qui espérait racheter par un triomphe militaire l’impopularité à tort ou à raison attachée à son nom, L’histoire, qui dans le passé avait été sévère pour