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corsaires d’Alger, de Tunis et de Tripoli ; vainement, en 1816, l’Angleterre envoya dans la Méditerranée des forces considérables sous le commandement de lord Exmouth, qui bombarda la ville et incendia une partie de la flotte du dey ; vainement, en 1818, le congrès d’Aix-la-Chapelle renouvela les déclarations du congrès de Vienne et, pour en assurer l’exécution, exigea l’abolition de la course et du droit de visite ; vainement, enfin en 1824, l’Angleterre formula de nouvelles exigences et tenta de les imposer à l’aide d’un nouveau bombardement, la régence d’Alger n’en resta pas moins puissante et redoutable ; elle n’en refusa pas moins d’obéir, même quand Tunis et Tripoli s’étaient déjà soumis à la volonté des grandes nations, n’en continua pas moins à courir sus aux pavillons des états qui ne lui payaient pas tribut, à procéder à la visite arbitraire et violente des bâtimens de commerce pour examiner les passeports et distinguer ses amis de ses ennemis. Ces forbans faisaient la loi à l’Europe ; l’Europe la subissait et la fière Angleterre elle-même se voyait contrainte, en 1824, de retirer son consul, dont le dey avait exigé le rappel, à en accréditer un nouveau auprès de lui, après avoir voulu vainement lui imposer l’ancien.

Quoiqu’une attitude si hautaine, quoique tant de crimes commis à la face du monde civilisé fussent de nature à exaspérer sa patience, à hâter l’heure où, refusant de subir plus longtemps des exactions odieuses, il entreprendrait de détruire ce boulevard de la barbarie musulmane, on peut apprécier par les faits qui viennent d’être résumés l’imperturbable confiance que la régence d’Alger était en droit de conserver. Autour d’elle, tout avait changé ; en trois siècles, les sociétés s’étaient transformées sous l’effort de la science et du progrès ; elle seule restait fidèle à son passé, fermée à toute influence civilisatrice, continuant à ne vivre que de brigandage, telle enfin qu’on a pu dire qu’entre son fondateur Baba-Aroudj et le dernier de ceux qui lui succédèrent, Hussein-Dey, il n’y a pas de distance morale ; Hussein-Dey était bien l’héritier immédiat du premier pirate algérien. Mais déjà le terme de cette monstrueuse puissance était fixé ; le moment approchait où cette œuvre des temps allait disparaître en six semaines et demeurer à jamais anéantie. Ce devait être l’honneur du gouvernement de la restauration de porter le fer et le feu dans cette association de malfaiteurs, d’en balayer les vestiges et de fondera sa place une colonie dont la conquête reste pour notre pays une indestructible gloire, parce qu’elle a été non pas le triomphe de la force brutale sur des opprimés et des faibles, mais le triomphe de la force morale sur la barbarie.

L’origine des difficultés spéciales à la France qui éclatèrent en 1821 entre le gouvernement du roi et le dey d’Alger, et vinrent se greffer sur les griefs généraux, communs à l’Europe chrétienne,