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l’anéantissement des défenseurs de ce pays, a préparé notre puissance. »

Les missionnaires évangéliques, protégés par Hongi, souffrirent peu de l’état de guerre. Comme l’avait prédit Tuatara, chaque année ils se trouvaient plus nombreux et s’implantaient sur de nouveaux points. Par la mansuétude, par la résignation à supporter les peines et les injures, ils gagnèrent des sympathies dans la population indigène et contribuèrent au plus haut degré à rendre facile l’invasion de la Nouvelle-Zélande par la race britannique. Au mois de juillet 1823, Marsden, revenant en ce pays pour la quatrième fois, constatait la prospérité de la mission. Un établissement se fondait à Pahia ; le maître chapelain aurait préféré Wangaroa, mais la place venait d’être occupée par les wesleyens. Des pasteurs ne tardent pas à s’installer à Waimata, à Kaïtara, ailleurs encore. De temps à autre les hostilités entre les tribus de la baie des Iles rendent la situation fort pénible pour les missionnaires ; M. Marsden, averti lorsque les craintes deviennent excessives, reparaît, et en 1827 et en 1830, comme toujours il réussit à conjurer les dangers.

En 1815, le révérend Samuel Marsden avait laissé sur un point de la Nouvelle-Zélande trois hommes d’église. Au mois de février. 1837, il venait pour la septième et dernière fois visiter cette terre qui, grâce à ses efforts, va être bientôt ravie aux légitimes possesseurs. Il se plaisait à répéter : « Un jour les Néo-Zélandais seront un grand peuple, » lorsque déjà les industriels, les marchands, les spéculateurs songeaient à s’emparer du pays tout entier. Le maître chapelain, accompagné de la plus jeune de ses filles, a le bonheur de voir que son œuvre à grandi dans d’étonnantes proportions ; — il y a maintenant des missions établies sur la Tamise et dans l’intérieur de l’île, à Matamata, à Waikato, à Tauranga. En chaque lieu, le vieillard reçoit les hommages de ses compatriotes, les marques d’amitié des insulaires. A Kaitaïa, la population se porte en foule à sa rencontre pour le saluer et même, assure-t-on, pour le contempler comme un père, comme un véritable bienfaiteur ; il aurait pu être enivré du triomphe. Marsden, le fondateur des missions de la Nouvelle-Zélande, n’épargnant point ses faveurs à des sectes dissidentes, parfois rivales, montrant une sorte de bienveillance envers les catholiques, si l’on en croit ses panégyristes, reste pour l’église anglicane le pasteur vénéré qui, sans souci d’immenses obstacles, a propagé la foi chrétienne chez les plus terribles sauvages ; pour tout le monde, il est l’homme plein d’énergie qui sut implanter la nation anglaise sur une terre féconde. Cook a déclaré la Nouvelle-Zélande possession britannique, Marsden l’a conquise[1].


EMILE BLANCHARD.

  1. Né à Horseforth, village situé entre Bradford et Leeds, le 24 décembre 1760, d’abord forgeron, bientôt ministre protestant, mort en Australie le 12 moi 1838.