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d’atteinte. A peine a-t-il pris quelque repos, Hongi, plus que jamais confiant dans la puissance de ses armes, court à la baie Mercure détruire les tribus de cette région, puis à l’embouchure de la Tamise, où il trouve un village si bien fortifié que sa troupe n’ose tenter l’attaque. Alors il feint des dispositions amicales, ; les gens de la baie des Iles, admis dans l’enceinte, s’emparent de la place au milieu de la nuit, et massacrent la plupart de ses défenseurs. L’année suivante, c’est en 1822, Hongi reparaît dans la même région, et, remontant la rivière, importe la désolation dans d’autres districts.

Après avoir atteint la rivière Waikato, qui tombe dans la mer sur la côte occidentale, il s’avance au sud près de Wanganui, faisant périr plus de quinze cents hommes. Chaque année, ce sont de nouvelles courses, de nouveaux massacres. Hongi répand la terreur sur l’île tout entière ; il traverse le détroit de Cook et ravage Te-Wahi-Pounamou, l’île méridionale. Des missionnaires anglais l’appellent le Napoléon de la Nouvelle-Zélande, titre sans doute moins glorieux dans leur esprit qu’on pourrait l’imaginer. S’ils reprochent à cet étrange conquérant des actes de violence sans cesse renouvelés, il répond froidement qu’il ne s’arrêtera pas avant d’avoir soumis tout le pays, car l’Angleterre n’ayant qu’un roi, il faut qu’il en soit ainsi de la Nouvelle-Zélande. Hongi avait profité de son voyage pour s’instruire en politique ; aux Anglais eux-mêmes, il devait les armes dont il se sert avec tant de furie contre les gens de sa race. À cette époque lamentable de l’histoire de la Nouvelle-Zélande, on vit des tribus profiter de l’affaiblissement de leurs voisins pour en achever l’extermination. En 1827, Hongi déclare la guerre à Tara, le fameux George de Wangaroa. Pendant cette campagne, l’établissement des missionnaires de la secte des wesleyens, fondé depuis quatre années, est mis au pillage et brûlé. Hongi disperse la population, tuant avec rage, sans épargner ni les femmes, ni les enfans. Vaincus, les derniers de ses ennemis prennent la fuite, mais pendant la retraite une balle atteint le vainqueur en pleine poitrine. C’en est fait du sauvage héros, qui languira plus d’une année avant de succomber à la terrible blessure. Ainsi se termina la carrière de l’homme dont le nom fut le plus retentissant de l’histoire des guerres de la Nouvelle-Zélande. Sous les coups du barbare conquérant, la partie la plus vaillante de la nation a disparu. Où il existait des tribus redoutables par le nombre des guerriers, maintenant seuls des vieillards gémissent, des enfans pleurent, des femmes désolées se tailladent la chair en signe de deuil. Où régnait l’activité, la vie, le mouvement, aujourd’hui c’est la solitude, le désert, le silence. Et parmi le peuple des envahisseurs, les colons anglais, on entendra bientôt tinter cette parole sinistre qu’on croirait lancée par une voix infernale : « Hongi a été l’instrument providentiel qui, par