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cultivait les pommes de terre. Sans autre instrument aratoire qu’une lame de bois se faisaient les plantations, et, pour n’être pas disposées en lignes régulières comme en Europe, les champs n’en fournissaient pas moins de bonnes récoltes. Cependant les naturels ne consommaient des pommes de terre qu’avec une extrême réserve ; on les gardait pour les échanges avec les navires qui venaient mouiller dans la baie ; c’était la grande ressource quand il s’agissait de se procurer des armes à feu et des outils de fer : marteaux, haches et ciseaux. De toutes les plantes potagères introduites par les navigateurs, seules les pommes de terre prospéraient : les autres avaient été entièrement négligées ; les choux à l’abandon, ayant répandu des graines, croissaient partout à la façon des plantes sauvages.

Sous le rapport des habitudes et de l’industrie, nul changement notable ne s’est produit chez les Néo-Zélandais depuis les visites de Cook et de Marion. On aime la musique comme autrefois ; tout le monde chante. Souvent l’un jette les premières notes, les autres suivent. Le soleil qui se lève est salué par un air plein de douceur et de gaîté, le soleil qui se couche avec un ton lugubre. Pour la lune, le chant est grave, mélancolique comme celui d’un culte. L’instrument le plus en usage pour accompagner est une sorte de flûte. Le docteur Savage ne cesse de témoigner d’un sentiment favorable aux Néo-Zélandais ; il n’hésite pas à croire que, dans la plupart des conflits, les insulaires n’ont pas été les plus méchans. Si, dans plusieurs circonstances ils se sont montrés féroces, c’est qu’ils étaient animés par l’idée d’une offense à venger. Les gens les plus méprisables, embarqués sur les navires anglais ou américains, pensaient être en droit de se permettre toutes les insultes envers les malheureux indigènes. Au sujet des coutumes du peuple qu’il visite, le voyageur n’a rien appris de très positif ; il n’a été témoin d’aucune opération belliqueuse. Il par le des batailles d’après les récits d’un insulaire, du nom de Moïhangi, qu’il s’est attaché pendant son séjour : jeune homme de bonne mine, portant les marques de ses exploits et se montrant très fier d’être un balafré. Le docteur veut l’emmener en Angleterre ; charmé de courir le monde, Moïhangi accepte. A la vue des marchés de la Grande-Bretagne, de la foule de navires qui encombrent la Tamise, des proportions des édifices, il a tous les étonnemens, toutes les admirations de l’homme primitif ; mais il convoite particulièrement les instrumens de fer entassés dans certaines boutiques. Lorsqu’il s’embarque pour retourner dans son pays, muni d’une jolie pacotille d’objets, utiles, le docteur Savage voit partir avec regret le fidèle compagnon de son voyage et se console par l’espoir que le brave insulaire pourvu de certaines notions « aura jouer un rôle important dans sa patrie.

Au commencement de notre siècle, l’Europe étourdie par le