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cour de Rome répondra avec le secrétaire d’état, le cardinal Nina, que « la doctrine des prélats belges est correcte ; » mais en même temps il est bien clair qu’en tout ce qui est affaire de conduite, le langage de Léon XIII n’est plus le langage de Pie IX. Évidemment, on en dit assez au Vatican pour laisser comprendre qu’on n’approuve guère toute cette insurrection bruyante contre la loi des écoles ; on ne dissimule pas que si les principes des évêques sont justes, « les conclusions peuvent être inopportunes et parfois poussées trop loin, » qu’on eût préféré « une autre solution » qui eût été possible si les conseils du saint-siège avaient été suivis. Le pape lui-même n’hésite pas à blâmer les violences de ceux qui attaquent la constitution libérale de la Belgique, à recommander la modération, l’obéissance aux lois. Tout cela semblera peut-être de peu de valeur à ceux qui ne savent pas ce qu’il y a de délicat et de redoutable dans ces questions religieuses qui touchent à la paix morale, qu’il est toujours si téméraire de raviver dans les pays où elles n’existent pas sérieusement. Le ministère de Bruxelles, et c’est de sa part une marque de prévoyance, de raison supérieure, le ministère belge en a senti l’importance lorsqu’il a publié ce langage, ces déclarations ratifiées par la nonciature. Il n’est point douteux en effet que cette action éclairée, mesurée, modératrice d’un pape à l’esprit plein de prudence, ne soit de nature à exercer une influence salutaire, qu’elle n’ait pour conséquence de décourager les passions violentes, de dégager les conflits religieux de ce qu’ils ont de plus acerbe et de plus périlleux. C’est là pour le moment la moralité de cette récente discussion du parlement de Bruxelles ; c’est la première révélation d’une papauté vraiment politique succédant à la papauté ardente et belliqueuse du dernier règne.

Les luttes religieuses ont eu certes leur jour aussi en Italie ; elles ont été forcément mêlées, par le redoutable problème du pouvoir temporel, à la renaissance nationale. Elles ont insensiblement perdu de leur vivacité depuis que l’irrésistible puissance des choses a tranché la question en portant les Italiens à Rome, et surtout depuis qu’un nouveau pape à l’esprit plein de sagacité et de prudence a été élevé au pontificat. Le sens pratique des Italiens a su trouver des accommodemens au milieu de difficultés en apparence insolubles, et ce qui semblait impossible s’est réalisé. Le roi avec son parlement et le pape avec ses cardinaux vivent désormais à Rome sans se braver, sans que l’incompatibilité des deux pouvoirs éclate en conflits incessans. Y a-t-il paix complète et définitive entre le Vatican et le Quirinal ? Ce n’est pas du moins la guerre, et bien des questions qui soulèvent des orages dans d’autres pays se résolvent chaque jour toutes seules, par une sorte de concordat tacite, au delà des Alpes. Il en est ainsi pour l’administration épiscopale, au moins dans les parties du royaume où le nouvel ordre de choses n’a pas été reconnu par le saint-siège. Il en est ainsi pour les congrégations, même pour la compagnie de Jésus, pour la