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dans le sénat de l’empire. C’était surtout une intelligence de premier ordre maniant avec autant de lucidité que de hardiesse les plus difficiles problèmes de l’économie publique, de la science sociale, qu’il savait parer de l’éclat du langage. Le plus grand acte de sa carrière, en dehors de ses œuvres d’écrivain et de professeur, a été la part directe, effective qu’il a prise en 1860 à l’établissement de la liberté commerciale en France, et certes sa science, son talent n’eussent point été de trop dans la discussion de questions qui vont reparaître encore dans le parlement, qui intéressent la fortune et les relations de la France avec le monde.

S’il y a un phénomène frappant aujourd’hui, c’est l’importance que les questions de religion ont reprise depuis quelques années dans les affaires de la plupart des pays à côté et au-dessus même des problèmes économiques ; elles sont vraiment la moitié de la politique, elles divisent les partis, et les parlemens finissent quelquefois par se transformer en conciles. Les luttes religieuses sont partout, plus ou moins accentuées : elles semblent s’apaiser depuis quelque temps en Allemagne sous la main puissante d’un homme qui s’entend à fermer l’outre aux tempêtes aussi bien qu’à l’ouvrir ; elles sont plus que jamais au contraire dans toute leur violence en Belgique, et un des incidens les plus curieux, les plus intéressans de ces derniers jours est certainement la vive et substantielle discussion qui vient d’émouvoir le parlement de Bruxelles, qui à vrai dire est faite pour retentir au delà des frontières de la Belgique. Cette discussion, qui n’est encore qu’un prologue et qui sera reprise, elle est dès aujourd’hui singulièrement instructive par les communications diplomatiques que le président du conseil M. Frère-Orban a cru devoir faire au parlement ; elle a surtout le mérite de laisser entrevoir à travers la fumée des combats que se livrent le parti catholique et le parti libéral, dans le petit royaume belge, l’action lointaine, impartiale et modératrice du nouveau pape Léon XIII. C’est tout un drame politique et religieux dévoilé à propos d’une interpellation de M. d’Elhoungne sur les relations du gouvernement belge et du Vatican.

On sait ce qui a ravivé récemment et poussé jusqu’à une sorte d’exaspération le conflit religieux en Belgique. L’instruction primaire était jusqu’à ces derniers temps sous le régime d’une loi de 1842, qui faisait de l’enseignement religieux une obligation et qui par une conséquence naturelle, sauf réserve faite en faveur des non-catholiques, plaçait les écoles sous l’autorité directe et incessante du clergé. Cette loi a été pendant bien des années l’objet de vives contestations, elle a été souvent représentée par les libéraux comme un excès d’immixtion ecclésiastique, comme une arme redoutable dont le clergé usait et abusait dans un intérêt politique ; aussi lorsqu’à la suite des dernières élections, le parti libéral est arrivé au pouvoir avec le cabinet de M. Frère-Orban, une de ses premières pensées a été de modifier le régime scolaire. L’été passé, au mois de juillet, le gouvernement a proposé, le parlement a