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résistances religieuses, les plus tenaces, les plus invincibles qu’il y ait au monde ?

Le dénoûment des guerres civiles assura la tolérance au protestantisme, la prépondérance au catholicisme. M. de Meaux fait très bien ressortir ce grand fait : il analyse l’édit de Nantes sans dissimuler que les termes de cet édit, les privilèges mêmes qu’il octroyait, consacraient pour ainsi dire l’infériorité du culte protestant ; avec la bonne volonté royale, l’édit était quelque chose ; sans cette bonne volonté, il n’était rien. On le vit bien au XVIIe siècle quand les protestans reprirent trois fois les armes pour en défendre les lambeaux. Si la force assurée aux protestans était précaire et hasardeuse, la force donnée aux catholiques devint définitive et à peu près irrésistible. M. de Meaux étudie avec beaucoup de soin tous les articles de l’édit de Nantes, il montre que la concession temporaire des places de sûreté ne faisait point partie nécessaire du régime qu’il consacrait : « Le mérite supérieur de l’édit de Nantes et de ses auteurs consista à dégager tout ce que renfermaient ou de nécessaire, ou de légitime, les prétentions opposées, à savoir : d’une part, la tolérance de la religion protestante ; d’autre part, la prépondérance de la religion catholique, la tolérance d’une foi dissidente plus sincèrement concédée qu’elle ne l’avait encore jamais été, la prépondérance du culte national plus inviolablement consacrée qu’elle n’avait pu l’être depuis le jour où il avait commencé d’être contesté. Car ce n’est pas seulement par la conversion d’Henri IV, par sa politique tout entière, qu’était attestée cette prépondérance du catholicisme ; elle était inscrite dans le texte même de la transaction qui garantissait aux protestans leur liberté religieuse. Cette transaction les obligeait en effet à respecter dans leurs actes extérieurs les fêtes et les cérémonies publiques de l’église romaine, à observer les règles fondamentales posées par elle en matière de mariage, d’où découlait tout l’état des familles ; elle interdisait leur culte, non-seulement en dehors des lieux qui lui étaient spécialement assignés, mais surtout où le roi paraissait et venait tenir sa cour. » L’édit de Nantes mettait en somme les églises protestantes sur une sorte de second plan religieux : cette tolérance était un grand progrès pour la fin du XVIe siècle ; elle eût porté les meilleurs fruits, si elle eût toujours eu le soutien de la volonté royale. Mais quand ce soutien lui fut retiré, l’édit s’en alla par lambeaux jusqu’au jour où il parut qu’il devait être révoqué. Ce qui en restait après les dernières guerres de religion du règne de Louis XIII semblait encore comme une offense à la monarchie, devenue presque sacerdotale : c’était comme un reste de féodalité, un pacte conclu entre le roi et des sujets ; mais toute trace de féodalité avait disparu dans la définition et dans l’exercice du pouvoir royal. Il est inutile