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et quand il y en avait six, il disait la messe le lendemain, jugeant que le dimanche était arrivé. Un jour la servante oublia de placer le fagot, et le curé, n’en comptant que cinq, n’alla pas dire la messe le lendemain : c’était pourtant un dimanche. Le sacristain vint le chercher dans son lit et lui dit de se lever. Le curé répondit que ce n’était point fête, et il fit ainsi perdre la messe à tous les paysans. Les paysans, mécontens, se plaignirent à l’archevêque, et l’archevêque répondit qu’il viendrait voir lui-même ce qui s’était passé. Alors le curé prit peur et courut chez la Perpétue ; la Perpétue lui dit de ne pas avoir peur et que ce n’était rien. Elle mit au feu une grande chaudière et versa l’eau bouillante dans le bénitier de l’église. L’archevêque arriva le matin même, et le curé lui dit : — Ce n’est pas moi qui suis fou, ce sont les paysans, vous le verrez tout à l’heure. — Ils allèrent ensemble à l’église, et les paysans, qui ne savaient rien, trempèrent leur main dans l’eau bénite, mais ils la retiraient aussitôt en poussant des cris et en faisant des sauts d’enragés. — Vous voyez bien ! dit le prêtre. — L’archevêque fit une grande réprimande aux paysans, et le curé rentra dans sa paix.

Passe un char d’huile d’olive.
L’histoire est belle et finie.


Les contes milanais, comme les florentins, se terminent souvent ainsi par deux vers où il n’y a ni raison ni rime.

Ne quittons pas les curés sans montrer comment les Toscans les traitent. Le peuple de Florence est indévot. On sait les fabliaux un peu risqués qu’il a fournis dès le moyen âge à Sacchetti et à Boccace. Une bonne femme de Prato-Vecchio, Maria Pierazzoli, raconte à qui veut l’entendre l’histoire d’un prêtre qui mangea de la paille : on va voir comment.

Ce prêtre avait rencontré un garçon qui était seul et qui possédait quelque argent. Il lui avait dit : — Viens chez moi, nous ferons ménage ensemble ; à cette condition pourtant que celui de nous deux qui le premier se mettra en colère paiera cent écus. — L’affaire fut conclue. — Demain matin, dit le prêtre, tu iras me semer un peu de blé, — et il lui donna un sac de grain. Le garçon prit le sac, attela les bœufs, ne creusa qu’un sillon où il jeta tout le grain et le recouvrit de terre. Cela fait, il se coucha sur le flanc et attendit le déjeuner. Le déjeuner ne venait pas, la servante n’arriva qu’à raidi avec un fiasque et une soupière. La soupière et le fiasque étaient cachetés. Le garçon pensa : — Il veut me mettre en colère. — Il fendit le ventre de la soupière, cassa le cou du fiasque et dîna tant bien que mal. La servante alla dire à la cure qu’elle avait trouvé le garçon endormi. Dieu sait quel travail il aura fait ! pensa le prêtre ;