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à la cour de Vienne, comme amis et comme neutres, des conditions qu’il était décidé à ne pas exiger d’elle. » Là-dessus la question est discutée en conseil des ministres, et lord John est obligé d’écrire à la reine : « Le cabinet s’est énergiquement prononcé en faveur de l’opinion émise par votre majesté. » Toutefois il ne se tient pas encore pour battu. Au moment où l’on s’occupe de transformer les préliminaires de Villafranca en un traité de paix définitive, il a l’idée de soumettre au gouvernement français un plan d’ensemble pour le règlement des affaires italiennes. Tout son programme était fait, son projet de dépêche était prêt, lorsqu’il se heurta de nouveau à la résistance de la reine : « La communication projetée, écrit-elle le 24 août, ne peut amener qu’un résultat, c’est de fournir à la France le moyen de violer à Zurich les engagemens qu’elle a pris à Villafranca… Si l’Autriche, en présence de ce manque de foi, se croit obligée de reprendre les armes, ne serons-nous pas responsables de cette nouvelle guerre ? Et alors quelle sera l’alternative pour nous ? Faudra-t-il laisser la France seule sur le champ de bataille ? Ce serait humiliant et dangereux pour nous. Faudra-t-il au contraire nous jeter dans une guerre contre l’Autriche ? C’est là un autre danger et un autre malheur que la reine se croit également obligée d’épargner à l’Angleterre. « Le cabinet, consulté, donna encore une fois raison à la couronne contre le ministre des affaires étrangères. Le fameux plan resta en projet. Il en avait cependant transpiré quelque chose par une nouvelle imprudence de lord Palmerston. Le 23 août, il avait écrit à M. de Persigny, qui continuait à être son confident de prédilection, que la clause des préliminaires de Villafranca relative aux duchés ne devrait pas être maintenue dans le traité de Zurich, et que l’intérêt de la France était de voir les duchés annexés au Piémont. En un certain sens, il disait plus vrai qu’il ne croyait, et voici comment : à Plombières, il avait été convenu entre l’empereur et M. de Cavour qu’il serait formé dans le nord de l’Italie un état de dix à onze millions d’âmes en faveur du Piémont, et qu’à titre de compensation la France aurait la Savoie. La première condition n’ayant pas été réalisée par les préliminaires de Villafranca, l’empereur n’avait pas réclamé la compensation stipulée. La lettre de lord Palmerston lui fournissait l’occasion de revenir à la combinaison de Plombières. Il ne manqua pas d’en tirer parti. « Nous ne désirons pas l’annexion des duchés au Piémont, dit fil. Walewski à lord Cowley, mais, si nous ne pouvons pas l’éviter, nous considérerons comme absolument indispensable de réclamer l’annexion de la Savoie à la France. »

Le coup était rude pour lord Palmerston et pour lord John Russell. Ils ne nous pardonnèrent ni l’annexion de la Savoie, qui