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dramatique. Voilà son tort. Mais ce tort ne doit pas nous faire oublier que le premier il avait eu l’idée d’une réforme nécessaire du théâtre. Cette réforme, elle a été tentée avec succès par d’autres, même en dehors du drame romantique, qui se rattache à d’autres origines. Sedaine a prouvé avec éclat, dans le Philosophe sans le savoir, que tout n’était pas chimérique dans la conception de Diderot, et George Sand a continué avec un grand zèle la démonstration de la vérité relative que comporte cette idée, dans le Mariage de Victorine et dans Claudie. — Oui, comme le prétendait Diderot et comme le lui accordait Voltaire en souriant, il y a un genre tendre, vertueux, nouveau ; ajoutons ce que ne disait pas Voltaire : et vrai, qui peut plaire singulièrement au public, s’il est appliqué avec finesse et discrétion. Diderot a tout gâté par son absence de tact, de mesure, et son goût pour la déclamation. Mais d’honnêtes talens, postérité dramatique de Diderot, nous ont montré des pièces qui n’avaient la prétention d’être ni précisément des drames, ni des comédies, mais des idylles rustiques ou des tableaux d’intérieurs bourgeois ; ils ont su donner un relief agréable « à la sensibilité profonde de l’expression, à la noblesse vaillante et simple des caractères, » se faire pardonner même « l’ingénuité, peut-être un peu surannée, qui porte un auteur à rêver des personnages trop aimans, trop dévoués, trop vertueux, » et faire couler de douces larmes par la vérité des sentimens et des situations, malgré l’extrême simplicité des moyens. Les préfaces du théâtre de George Sand sont le meilleur commentaire et le plus précis du vague idéal entrevu par Diderot ; quelques-unes de ses pièces, sans que l’auteur y ait songé peut-être, en sont devenues l’innocente et aimable justification.


II

L’édition nouvelle, — outre quelques lettres inédites, fort curieuses, relatives au voyage de Russie, — nous offre réunies pour la première fois les lettres à Falconet, disséminées jusqu’ici dans des recueils et des publications diverses. Mais, sur un point essentiel de la correspondance de Diderot, les lacunes subsistent, je veux parler des lettres à Mlle Volland. Ici nous n’avons pas de conquête ni de découverte à signaler. On s’est contenté de reproduire le texte de l’édition de 1830, d’après la communication faite à grand prix par un littérateur français, naturalisé Russe, Jeudy-Dugour, détenteur, on ne sait comment, de ces lettres, sans qu’on sache s’il s’agissait ? des originaux mêmes, enlevés de France par Grimm, ou de copies faites à la bibliothèque de l’Ermitage. Il est bien à regretter que M. Léon Godard, à qui nous devons de si précieuses